jeudi 23 mars 2023

La post-philatélie a-t-elle débuté ? Quel sens pour la philatélie des années 2020 ?

 Le samedi vingt-cinq février 2023, le Mexicain Carlos F. Campos a proposé le terme de post-philatélie (posfilatelia) au public de Mi Oficina, les rencontres en ligne entre philatélistes des Amériques, établies depuis les confinements de 2020.


Note préalable : je connais presque rien à l'espagnol, encore moins que rien à l'écoute. Merci au conférencier pour le diaporama permettant de suivre les grandes lignes de sa démonstration.


En une heure, il a repris les définitions de base et leurs évolution dans les principaux dictionnaire de langue espagnole : timbre, philatélie, marque et histoire postale... Ensuite, il a mis en rapport avec les modes de collection standardisés par les expositions compétitives de la Fédération internationale de philatélie.

De là, il en déduit trois périodes :

- la période pré-philatélique, entendre celle où le courrier circule sans timbres-poste,

- la période philatélique où il circule avec timbres-poste - les quinze dernières décennies donc,

- et la période post-philatélique où courrier et colis circulent avec de nouveaux standards.

Par les définitions de base, il déduit les standards : paiement préalable, lieu d'origine, adressage de destination, marque de passage, etc. Des notions fort connus des historiens postaux, marcophile et philatéliste spécialisées d'avant ou d'après l'introduction du timbre-poste.

Pour la post-philatélie, il montre :

- les enveloppes affranchies de timbres non oblitérés ou annulés au feutre, des postes se moquant de cette obsession de la réutilisation frauduleuse,

- les enveloppes pré-imprimées des contrats postaux entre entreprises et les postes : Destineo en France par exemple,

- les grands autocollants des colis postaux transportés par de nombreuses entreprises de postes et de logistiques, avec nombre codes-barres,

- justement, les nouveaux timbres-poste complétés de code-barres en une ou deux dimensions, sur lesquels ce dernier est bien plus important pour la transmission postales que l'illustration ou même la valeur faciale.


Sa présentation a eu un effet certain sur l'auditoire : une heure trente de discussion a suivi l'exposé. Assez inédit : d'habitude, une grosse demi-heure de question de curiosité et d'approfondissement permet de compléter un exposé de philatélie ou d'histoire postale.

Le ton est resté courtois, mais des gestes ont montré les doutes : montrer une de ces grandes étiquettes de colis à la webcam... sans maîtriser l'espagnol, je pense que la personne indiquait ses doutes sur la beauté de l'objet, la difficulté à le collectionner, à l'exposer, etc.


Et pourtant, il semble que les opérateurs postaux historiques - les membres de l'Union postale universelle et qui sont les émetteurs historiques de timbres-poste - semblent avoir commencer la transition de la période du paiement préalable par timbres-poste vers autre chose.

La diversification des moyens de ce paiement : dans les bureaux de poste même avec timbres de distributeur à valeur imprimée à la demande ou étiquette de guichet postal, chez soi ou au bureau avec timbre à durée limitée imprimé soi-même ou code alphanumérique reçu par sms, etc.

L'accusation du nombre excessif d'émissions de timbres est une preuve tangible dont pourtant nombre de collectionneurs de timbres actuels ne semblent pas tirer les conséquences sur leur choix de quoi collectionner... À quand le premier article ou forum qui alertera sur la spéculation d'une des émissions du salon printanier de Paris de cette semaine ?


Pire, par le suivi de l'actualité des opérateurs postaux, on découvre ici et là des aboutissements post-philatéliques provenant de la politique commune des membres de l'Union postale universelle de promotion de la philatélie, mais en refusant que le timbre serve sur le courrier :

- la poste saoudienne émet des timbres qui n'ont officiellement pas de valeur postale ! Tout envoi est en recommandé sans timbre-poste possible !, découvre-t-on dans cet échange sur le forum anglophone StampBoards.com;

- sur Twitter, la poste kenyane reprend ce que beaucoup de postes africaines publie sur leur site à la page « Philatélie », preuve qu'il y a une coordination UPU à mes yeux : 

Comment Posta Kenya promeut la philatélie sur Twitter, le vingt-deux mars 2023.

« Les philatélistes collectionnent les timbres pour la valeur sentimentale associée au travail artistique, au thème, à la rareté du timbre, pour des raisons éducatives, leur forme, ou comme un investissement. »

...

...

Et parce que l'acheteur peut le coller sur un courrier à un proche ou une entreprise à un client pour faire plaisir ?


On lira avec curiosité l'aventure postale de deux Postcrosseurs qui ont essayé - et en grande partie réussi - à poster des courriers au long de leur rallye humanitaire entre l'Europe et l'Afrique de l'Ouest : partie 1 et partie 2 sur le blog du site d'échanges en aveugle de cartes postales.

Les postiers locaux sont des comptables de leur bureau : un courrier à poster doit permettre une vente de timbres. Sauf directeur postal à proximité comprenant promotion du pays et ventes philatéliques, amener ses propres timbres est problématique : le bureau va devoir faire entrer du courrier coûteux à gérer sans que l'opérateur ait reçu directement l'argent de la vente.

Les philatélistes français reconnaîtront le fonctionnement imposé aux directions de La Poste dans les années 2000 au cours desquelles les bureaux et le tri n'appréciaient pas les timbres-poste sur courrier pour ne pas reverser une partie du chiffre d'affaires au service philatélique...


Le débat sur l'avènement de la post-philatélie se poursuivra sûrement. Ceux qui veulent ralentir ce processus ont une solution proposée par un éducateur de Caroline du Nord, aux États-Unis :

Sean Gaillard sur Twitter, le vingt-deux mars 2023.

« Entourez-vous de personnes qui vous répondent en retour. »

Sur papier-lettre, avec timbres-poste.

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