mardi 2 mai 2023

Le musée de Manéga au Burkina et les outils de la recherche

 On ne sait jamais ce que l'on va apprendre d'une enveloppe prise au hasard du carton d'un marchand lors d'une bourse locale. Un exemple avec celle-ci ayant voyagé en 2001 entre le Burkina Faso et la France.

Timbre du Burkina de 2000 sur lettre pour la France, oblitéré le huit janvier 2001.

Par respect pour la vie privée du destinataire, il n'est pas utile de la représenter en entier : adresse au stylo-feutre pour Nîmes, dans le Gard ; code barres saumon du tri postal français, une mention par avion soulignée.

L'oblitération est de Ouahigouya le huit janvier 2001, une ville de soixante-treize mille habitants en 2006 et située au nord du pays.

Le timbre révèle une œuvre réalisée pour le musée Belem-Yẽgre du village agricole de Manéga : la dalle africaine sacrée du Quart-Monde-ATD.

Après un peu d'exploration, et grâce à cette dalle sacrée, le musée Belem-Yẽgre sur Google Maps.

Africains et économistes signalent régulièrement le manque de connexion (et le prix) aux réseaux de télécommunications mondiaux. Ce musée semble en être un exemple... à cause du nom choisi sur le timbre.

Avec les bases de données philatéliques, on retrouve rapidement la série de quatre timbres de 2000, notamment avec Colnect alimenté par des collectionneurs : le portail du musée, deux œuvres issues des traditions sociales, culturelles et religieuses du pays, et cette dalle représentant le continent africain avec deux piliers centraux.

On évite donc d'aller à Belem au Portugal et au Brésil, et trouver le lieu à une cinquantaine de kilomètres au nord de la capitale Ouagadougou.

Ouvert en 1987, l'émission de timbres est donc tardive. Sophie Douce pour Le Monde Afrique par exemple, le vingt-six juillet 2020 a décrit le musée, ses collections et leurs sens.

Et, particulièrement, l'homme qui a réussi à rassembler toutes ses pièces de la destruction iconoclaste ou de l'empoussiérage dans les réserves de musées occidentaux. Le septuagénaire Frédéric Titinga Pacéré, prince coutumier de Manéga, s'inquiétait des conditions de conservation dans un bâtiment vieillissant. Car ce musée est privé et familial, sans subvention de l'État, hors cette émission de timbres-poste, et dans un pays connaissant des problèmes de sécurité, aggravés depuis avec l'implantation de groupes djihadistes au Sahara malien.

Pour la dalle, on reconnaît le nom d'une organisation non-gouvernementale : ATD-Quart-Monde fondé en 1957 par le prêtre Joseph Wresinski pour lutter contre l'extrême pauvreté partout dans le monde en aidant ses victimes à devenir acteurs de leur réussite. Frédéric Titinga Pacéré a-t-il reçu une aide de l'association pour organiser son musée et une économie pour faire profiter la communauté rurale alentour ?

En 2010, dans la Revue Quart-Monde, Albert Longchamp, jésuite genevois, témoigne d'une visite à Manéga lors du Congrès mondial de l’Union catholique internationale de la presse à Ouagadougou et qui permet de retrouver plusieurs pièces d'un puzzle grandement dispersé sur internet.

L'avocat Frédéric Titinga Pacéré a dédié cette dalle au père Joseph Wresinski en l'inaugurant le douze février 1996, jour de son anniversaire... et c'est pour cela qu'elle fait écho pour l'auteur au Parvis des libertés et des droits de l'homme à Paris, nommé ainsi grâce à l'action de Wresinski auprès du président français François Mitterrand.

La sentence parisienne est retranscrite à Manéga en français et en mooré : « Là où des Hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les Droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré ».

Sous la dalle sacrée, de la terre de vingt-quatre lieux dont la tombe du père Joseph, celle de l'île de Gorée - lieu symbolique de la traite atlantique, de la cellule de Nelson Mandela, des fosses communes du génocide rwandais, etc.


Sauf que, sans accès à internet ou à une bibliothèque bien fournie et surtout aux documentalistes en nombre suffisant pour bien indexer...

Alors que la Wikipédia en français a une ébauche sur la localité, Google Maps et Google tout court ne parvient déjà pas à retrouver Manéga au Burkina... sauf un hôtel au sud-est de la capitale. Je pense que le problème provient des limites administratives locales mêlées au manque d'indexation numérisée des lieux accessibles aux cartographes internationaux (des grands groupes aux cartographes-programmeurs)... ou du manque de curiosité pour l'Afrique des entreprises cartographiques : quels revenus ?

Le musée en lui-même, sous le nom inscrit sur le timbre, se retrouve, ai-je dit, dans les bases philatéliques, mais son site web signalé par Albert Longchamp est désormais inacessible : http://www.musee-manega.bf/ . Il faut donc explorer les articles accessibles en ligne pour retrouver l'histoire et le devenir actuel de ce lieu...

... ou aller au plus simple : musée de Manéga sur Wikipédia dont une partie des sources citées sont le site du musée...

En août 2020, Sophie Douce pour Ouest-France évoquait les effets du covid-19 sur la chute des visites touristiques : plusieurs dizaines de visiteurs par jour avant ! Moins d'une dizaine par semaine en 2020.


Dernier espoir pour le musée et le pays ?

En 1999, c'est en ce lieu et auprès de Maître Frédéric Titinga Pacéré qu'un groupe citoyen a lancé l'appel de Manéga en juin 2019 pour appeler à la concorde et la réconcialiation entre les habitants. Groupe qui sous le nom d'Appel de Manéga se réunit régulièrement pour promouvoir leur message et valoriser les femmes et hommes de paix au Burkina.

Pour le musée, son attractivité et sa mémoire, il y a un moyen simple : que les visiteurs y ayant réalisé des photographies le localisent sur Google Maps et y ajoutent description, avis, photographies pertinentes. Cela fonctionne pour tous les fournisseurs de cartes, privés comme collaboratifs comme Open Street Map qui a déjà plus d'informations que Google.


Au terme de cet article rédigé au fil de la recherche, je découvre que j'aurai dû partir de Wikipédia et Open Street Map, outils enrichis par les utilisateurs, pour remonter les faits par la presse et les revues.

Il reste cependant un mystère : pourquoi cette appellation « musée Belem-Yẽgre » qui complique la recherche ?

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