jeudi 8 janvier 2015

Cohésio de La Poste face aux interrogations d'un facteur sur France Culture

Continuons à écrire (faute de savoir dessiner) pour que la liberté d'expression perdure.

Quelques heures avant l'attentat contre Charlie Hebdo, mercredi 7 janvier 2015, France Culture a diffusé un reportage de Sophie Delpont dans la séquence Trait pour trait du journal de sept heures du matin.


Dans celui-ci, la journaliste raconte ce qu'un facteur anonyme de Dijon pense des nouvelles missions que La Poste a créé pour ses facteurs, maintenir les emplois et assurer un chiffre d'affaires malgré la chute du courrier transporté.


Mi-2013, La Poste présentait l'évolution des facteurs en agent assurant des services aux personnes, aux collectivités et aux entreprises au long de leur tournée : depuis des expérimentations de 2012, de plus en plus de facteurs sont équipées de téléphones portables et d'applications leur permettant de relever des compteurs, constater des dégâts aux assureurs, et, avec Cohesio, s'assurer du moral et de la santé de personnes isolées sur lesquelles une mairie ou une association veut veiller.


Pour le facteur de Dijon, « la révolte » est le sentiment face à ce projet : il assure déjà gratuitement sur sa tournée auprès de vieilles dames et d'une personne handicapée ce que Cohesio veut facturer à des donneurs d'ordre. Au plaisir des premières qui, d'un verre d'eau ou d'écharpe, aident leur facteur autant que celui-ci aide la collectivité à s'assurer que tout va bien. À la nécessité de la seconde de recevoir le courrier à sa porte, faute de pouvoir descendre les escaliers.


Désormais, ce sera 4,40 euro par visite avec questionnaire rempli par le facteur sur son smartphone et renvoyé au donneur d'ordre qui peut, d'après le site d'entreprise de La Poste et celui dédié aux collectivités de Poitou-Charentes, choisir d'une à six visites par semaine...


Le choix économique du nombre de visites sera-t-il pertinent selon la personne isolée ? Ce facteur est-il part d'une minorité de ses collègues, honorant le service public de la correspondance transmise par des êtres humains ?


La longueur kilométrique des tournées permettra-t-elle vraiment des visites efficaces, au cours desquelles le facteur remarquera l'inhabituel, le visiteur acceptera de se confier ? Quelle sera la responsabilité du facteur s'il ne perçoit pas un problème ?


Où sommes-nous dans tout cela : élus, voisins, familles de nos plus isolés ? Pour les maires, prendre les abonnements de service de La Poste, sera-ce le chantage au maintien de l'activité postale pour les communes les plus isolées ?


Face à ces questionnements, espérons que les journalistes et dessinateurs de presse aient le temps, la liberté et le talent d'y consacrer davantage que les deux minutes de Trait pour trait de France Culture.


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Pour vos réflexions sur ce sujet :

- réécouter le reportage pendant trois ans et le podcaster pendant un an environ : par ici ;
- le vécu d'une association sociale dans une vidéo de La Poste de septembre 2014 : sur youTube ;
- l'avis de l'actionnaire-État, voir les réflexions sur le rôle des entreprises dans le maintien de nos seniors à leur domicile sur le site de la Direction générale aux entreprises du ministère de l'Économie.


Mise à jour des dimanche 18 et lundi 19 janvier 2015 :

Ce week-end du vendredi 16 au dimanche 18, Le Monde s'intéresse aux nouvelles missions non postales des facteurs de La Poste. Publiés le 16 sur le site lemonde.fr par l'équipe de M, le magazine du Monde (avec une annexe), l'article est paru dans l'édition imprimée datée dimanche 18-lundi 19 sous le titre « Le facteur postmoderne ».

Après lecture de l'article, il s'agit d'un reportage de Pascale Krémer envoyée à la rencontre des facteurs de Bouchemaine, en Maine-et-Loire, enthousiaste face à cette nouvelle tâche. Le propos est positif : tout le monde est bénéficiaire.

Le maire qui veille sur ses aînés autant qu'il préserve ses deux bureaux de poste, les facteurs qui préservent leurs emplois et bénéficient aussi d'une pause utile dans leurs tournées au rythme effréné, les dirigeants de la division Courrier qui espèrent remplacer les millions de courriers perdus en autant d'activités sociales, la collectivité qui économisent les coûts de logements médicalisés ou de visites de professionnels de la santé.

Et les personnes isolées, même si celles que la journaliste a pu rencontrer ne sont pas oubliées de leur famille et de leur voisinage.

L'avantage de la liberté de la presse : deux médias, deux groupes de témoins, deux points de vue. Le débat peut s'engager.

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