dimanche 6 février 2022

Révolution philatélique de platine chez Royal Mail

 Ce six février, il y a soixante-dix ans, le Roi George VI mourait et sa fille Elisabeth prenait sa relève sur le trône et sous la couronne du Royaume-Uni - charge symbolique et de plus en plus débattue dans ce pays, mais qu'elle poursuit encore à quatre-vingt-quinze ans. Elle signe d'ailleurs son message d'anniversaire de platine d'un « Your Servant » qui devrait inspirer nombre de présidents, premiers ministres, et élus de par le monde...

Outre une émission commémorative du Jubilé et une flamme d'oblitération à message, c'est cette semaine-ci que Royal Mail, l'entreprise privée qui a la charge du service universel du courrier, pour révolutionner les timbres d'usage courant du Royaume-Uni ! Et susciter de grandes discussions entre philatélistes sur ces conséquences.

Le nouveau type Machin avec code datamatrix dans la vidéo virale de Royal Mail, reprenant tous les timbres d'usage courant depuis le Penny Black (via Twitter, le premier février 2022).

Mardi premier février 2022, Royal Mail a lancé une opération de communication tous azimuts dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Pour le collectionneur de nouveautés, quatre timbres à validité d'usage sont émis le premier février, les valeurs complémentaires en avril. Les quatre timbres de première et deuxième classe, format standard ou grande enveloppe ("Large"), changent de couleur : pour le jubilé de la Reine, le première classe devient Plum Purple (source : le blog de Norvic Philatelics).

Cette campagne a laissé deux impressions, selon la philatélisation du public.

Le monde philatélique : Il faut arrêter de prendre les collectionneurs pour des moutons !
La Royal Mail : Hold my beer, please.
(site web de Royal Mail, premier février 2022).

Les médias généralistes et le grand public semblent avoir été invités à retenir qu'en scannant le QR-code des nouveaux timbres, on peut visionner un sketch de Shaun le mouton... qui aura son émission philatélique au cours de l'année.


Les collectionneurs et philatélistes ont surtout retenu le boom de la démonétisation à venir, et de ses multiples conséquences : dernier jour d'usage, courrier taxé,... perte de valeur des collections ?

Les timbres de Noël de 2021 ont été émis avec et sans code datamatrix (via la boutique de Royal Mail sur WopaPlus).

Le code datamatrix ou QR-code est une expérimentation de Royal Mail sur les timbres Machin de seconde classe bleu depuis mars 2021, reprise sur les timbres de Noël de 2021, y compris les premières classes.

Chaque code datamatrix est différent d'un timbre à l'autre, permettant à Royal Mail de faire la promesse de nouveaux services pour les usagers, sans préciser lesquels : courrier suivi par exemple ?

Cependant, l'extension à tous les timbres permanents (Machin, peut-être les emblèmes des quatre Nations ?) et semi-permanents (Noël) élargit le programme : le trente-et-un janvier 2023 sera le dernier jour d'usage possible des timbres sans code-barres. À partir du premier février 2023, seuls les timbres d'usage courant avec code ou les timbres commémoratifs (dits spéciaux par Royal Mail) auront droit de citer.

Un communiqué pour des mois de commentaires dans les revues philatéliques, puis parmi le grand public à partir du premier février 2023 avec l'arrivée de courrier taxé (site de Royal Mail, premier février 2022).

Une démonétisation donc, avec annoncé un programme d'échange qui ouvrira le trente-et-un mars 2022.

Dans les premiers fils Twitter de philatélistes mardi dernier, et en commentaires des premiers articles (tels Norvic Philatelics, Commonwealth Stamps Opinion, etc.), les inquiétudes habituelles face à ce genre de procédés, en particulier la perte de valeur monétaire d'une collection. Actuellement, un Machinmaniaque (un timbre par type, des coins datés, des carnets complets, etc.) est sûr que sa collection vaut au mieux la valeur faciale... Le premier février 2023, cette collection vaudra ceux qu'un autre collectionneur voudra bien en payer, comme de nombreux marchés d'objets de collection spécialisée.


Plus stratégique, le webmestre du blog 2nd Class Stamp analyse la manœuvre au regard des problèmes récents de la Royal Mail, à la fois technique et économique.

Technique, d'abord : ça fait longtemps que les centres de tri de Royal Mail ont du mal à oblitérer tout le courrier, même de format standard (sans parler de la mocheté des impressions jet d'encre...). Coups de stylo ou de feutre par les employés n'y font rien, tellement de timbres ne sont pas oblitérés qu'il y a un véritable marché de la revente de timbres non oblitérés au Royaume-Uni !

Technique et économique : entre la Reine qui a refusé une nouvelle effigie (relire A Timeless Classic de Douglas Muir) et malgré l'ajout de sécurités (encre brillante en fond, emporte-pièce,...), le type Machin subit un nombre important de falsification et donc de vente délictueuse... que la machine de tri de Royal Mail ne parvient pas toujours à repérer.

Enfin, financièrement, la Royal Mail, comme toutes les postes du monde, a en dette l'ensemble des timbres vendus mais non encore utilisés pour le service postal. Certes, la majorité restera rangée sagement dans les albums des collectionneurs ou oubliés dans un tiroir, néanmoins, une partie de ces timbres anciens tend à revenir sur le courrier avec la super-inflation des tarifs postaux du vingt-et-unième siècle.

Or, la Royal Mail est une entreprise complètement privée depuis 2015 (les bureaux restent publics sous l'entreprise Post Office Ltd.) : déjà que la filière courrier se porte mal, la dette des timbres en circulation ne doit pas réjouir les actionnaires en quête de dividendes à tout prix. Démonétiser tous les timbres d'usage courant décimaux du règne en cours (1971-2021), sans attendre le règne suivant, signale le blogueur, devrait alléger le passif philatélique de Royal Mail.

D'abord parce que les gros stockeurs (marchands, collectionneurs déçus) devront repartir avec de nouveaux timbres et seront encouragés à s'en servir de suite pour rentabiliser.

Ensuite, pour revenir aux aspects techniques, le marché du timbre d'usage courant va se clarifier d'un coup :

- pas oblitéré ? Pas grave : le code datamatrix est unique à chaque timbre... Royal Mail compterait-elle investir dans l'équipement informatique pour garder tous les codes utilisés sur le courrier ? Si oui, les taxes vont tomber sur les courriers à timbres réutilisés.

- faux timbres d'avant le datamatrix ? Une filière dont les délinquants maladroits risquent de se faire prendre en ramenant leurs faux à Royal Mail... et à laquelle les fournisseurs vont devoir renoncer. Jusqu'à casser le code ? Il y a là le risque de voir des doublons dans les bases de Royal Mail, ce qui simplifiera le repérage des faux et leur zone de diffusion...

Que Royal Mail investisse beaucoup ou pas dans la base de données de ses codes, peu importe : la démonétisation des timbres non codés va déjà permettre de faire un grand ménage financier et délinquant. Peut-être de la menue monnaie, mais pour un secteur de moins en moins profitable.


L'avenir dira si Royal Mail fera de ces codes datamatrix : des services aux expéditeurs et destinataires ?De la publicité ciblée scannée au smartphone ? Tout est possible au pays du capitalisme débridé.


Compléments du dimanche trois avril 2022 :

Le trente-et-un mars 2022, Ian Billings de Norvic Philatelic détaille le dévoilement, le jour-même, par Royal Mail des conditions de l'échange des timbres à démonétiser d'ici début 2023 avec les nouveaux timbres Machin à code datamatrix.

Finalement, les timbres de Noël ne seront pas démonétisés, mais les timbres des quatre pays britanniques le seront. Pour les carnets de prestige, seules les pages comprenant des timbres d'usage courant seront échangeables à valeur faciale. Quelques zones grises restent sur quelques Machins semi-commémoratifs.

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