samedi 8 février 2014

La 'Marianne rouge-gorge' ou la folie présidentielle d'une nation qui ne poste plus de courrier

À en croire la une du Figaro de ce week-end, samedi 8 et dimanche 9 février 2014, avec image connue et bandeau noir de deuil, une mobilisation hétéroclite de libre-penseurs et de croyants monothéistes se constituent pour faire retirer la série de timbres d'usage courant dessinée par Olivier Ciappa, émise le 14 juillet dernier. L'article de Delphine de Mallevoüe achève une semaine thématique Tea Party à la française, où des conservateurs de tous poils ont réussi à faire croire à des familles naïves que l'École publique enseignait une théorie inexistante et des pratiques sexuelles à des enfants (j'hésite sur le nombre de points d'exclamation et d'interrogation à placer là), à faire retirer un projet gouvernemental de loi sur les questions familiales qui sont en suspens au début de notre siècle sans laisser aux députés le temps d'en débattre, et finalement qu'une pétition réclamant le retrait dudit timbre a atteint cent vingt-cinq mille signatures.

D'où provient cette haine nombreuse - j'étais bien seul dans le web participatif pour reprocher l'allure ahurie en robe de bure de la Marianne autocratiquement choisie par le tsar précédent - pour un timbre que peu utilise ? Il est vrai que le président-philatéliste (lol) allait sauver la philatélie avec les états généraux (reLOL).

Certes, un bureau parisien consulté (whoua... 1...) confirme avoir du mal à les placer aux cinq prénoms de personnes que la journaliste fournit (micro-trottoir ou amis résidant dans le seizième arrondissement ?). Mais plus haut dans la hiérarchie postale, il est confirmé que les collectionneurs et gros expéditeurs ayant besoin de Mariannes semblent présents, et que, finalement, peu importe puisque 3% du courrier circule entre particuliers et les 97% restants se moquent bien de ce qu'il y a sur l'enveloppe (timbres-poste, étiquettes, marques imprimées, rien) et ne sont pas liés à « un affranchissement d'opinion » (La Poste citée par madame Mallevoüe).

D'ailleurs, si elle remplace avantageusement la Marianne de Nicolas, qui était prête à tomber dans la tombe, j'ai du mal avec la création de Ciappa, comme avec quasiment toutes celles avec qui il était en concurrence : pourquoi autant de mièvrerie, de codes des bandes dessinées mal intégrés et de manque d'imagination graphique quand on dit « jeunesse » aux artistes du timbre ?

Quoi alors ? Ben, ce que La Poste estime être un « piège » tendu par l'artiste - un militant de ses idées, autant que ceux qui s'opposent à ses créations avant comme après le timbre - quand il affirma qu'une des sources d'inspiration était Inna Shevchenko, membre du groupe des Femen qui a décidé que tout ce qui peut échauffer les esprits mâles (et, depuis jeudi, les murs d'ambassade russe à Berlin) servirait à lutter contre le conservatisme machiste dans l'ancienne Union soviétique, et aussi dans les pays de refuge quand le goulag se rapproche. La liste comprenant les lieux symboliques du pouvoir présidentiel russe et l'Église orthodoxe.

Donc, les libre-penseurs d'un côté, des fidèles monothéistes d'un autre, de jeunes avocats laïcs ou très-chrétiens veulent interroger la justice si ce timbre-symbole de la République respecte le principe de laïcité, affirmé dans la loi de 1905 et l'article premier de l'actuelle constitution.

Fin du résumé commenté de l'article.

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Mesdames et messieurs, continuer à pétitionner et à manifester autour de rumeurs hallucinées et de visions ultraconservatrices de la société française, je peux vous assurer, d'après son caractère, que vous obtiendrez le retrait du timbre par le non-président actuel en économisant le coût des avocats. Le comptable de l'imprimerie de Boulazac peut commencer à avoir des sueurs selon le stock actuel de Marianne.
Proposition d'adaptation du timbre afin de prévenir sa future répudiation présidentielle dans Closer, Voici ou toute autre publication sachant suivre un scooter dans Paris, et à une date que les thématistes sauront accomoder (image originale : la Boutique du timbre de La Poste).
Certes, les acteurs de la philatélie (presse et lecteurs comme blogueurs et frpistes) peuvent imprimer et écrire que ce timbre concernera les collectionneurs et philatélistes comme tous les autres timbres d'usage courant : enfermement en classeurs, étude spécialisée, recherche de variétés d'impression et d'affranchissements « nature » au tarif.

Il faut cependant dire que le contexte de la surmédiatisation politique, de la capacité à affirmer à plusieurs milliers n'importe quelle opinion commune grâce aux réseaux sociaux, de la surprésidentialisation du régime qui place une loupe grossissante sur les nombreux défauts nos deux derniers spécimens de monarque épinglés sur les écrans de l'information télévisée continue, a placé une cible sur ce timbre.

Bien sûr, comme toutes les Mariannes, République et Cérès précédentes, me direz-vous : les goûts et les couleurs en majorité, les commentaires salasses sur le léchage du derrière des timbres, et puis, l'oubli de cet objet qu'à toutes les époques, on ne voit finalement que peu comparé aux pâtes, pommes de terre, fruits, légumes, factures, etc. Même Pierre Gandon fut rapidement laissé tranquille bien qu'il eut travaillé à certains timbres et vignettes douteux sous Vichy et l'Occupation.

Mais là, dans une société où les ultraconservateurs se sentent menacés - par quoi de réel pour autant de folie, je ne sais pas, peut-être la nostalgie de Pie IX ?-, le commentaire de Ciappa a permis de trouver à cette part de mes concitoyens un punching ball pour se défouler.

Enfin, le 19 février prochain, commence le procès des amies de l'égérie ciappaïenne suite à leur carnaval dans Notre-Dame de Paris, le 12 février 2013, au cours de laquelle elles souhaitent faire résonner les cloches exposées à l'occasion de la démission du pape Benoît XVI. Excellente occasion de faire pression sur le non-président pour se débarrasser du timbre tout en laissant la justice régler les affaires qu'elle sait régler avec sérénité.

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Le conseil financier du jour : pariez sur la lâcheté présidentielle, achetez des coins datés, des roulettes et des carnets entiers et postez selon tous les tarifs de la grille autant de Marianne de la jeunesse que vous pourrez, la durée de vie de la série vous garantira de fructueuses ventes à moyen terme quand certains voudront entamer une étude spécialisée ; eux qui, contrairement à vous, spéculateurs éclairés, n'auront pas vu venir son retrait prématuré.

Surtout, postez-en depuis les quartiers les plus conservateurs et ultramontains de France : d'après notre source figaresque, leurs habitants ont tellement rejeté ce timbre - et même toute forme de courrier en papier au profit du courriel et du sms - que vos plis n'en seront que plus rares et recherchés d'ici très peu de temps.

Suivez mes conseils ou vous pleurerez l'occasion perdue quand vous verrez les prix qu'atteindront ces plis dans les suppléments de vente d'« authentiques timbres rares de France » qui accompagneront votre prochain numéro de Timbres magazine.

Ne ratez donc pas la Marianne de la Jeunesse, cette Marianne de Ciappa, dite à sa droite Marianne du Flan, et sera appelée à sa gauche Marianne plaquée par presse people interposée dans les émissions satiriques ou, comme les philatélistes avides de chopins l'appellent déjà affectueusement, non sans une étincelle dans les yeux :


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Sinon, pendant ce temps, la Fédération de Russie reste une démocratie bien étrange
et une puissance qui défend aveuglément d'intervenir dans la guerre civile syrienne.

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