jeudi 5 mai 2016

Navires sur timbres chinois : une question de puissance

La montée en puissance de la République populaire de Chine obnubile les lycéens français à quelques semaines de leur examen final, autant que les intellectuels et politiciens européens depuis le dix-neuvième siècle, et encore plus depuis l'ouverture économique du pays depuis la direction de Deng Xiaoping.

Récemment, cela se traduit par un besoin insatiable de matières premières et de contrôler les routes maritimes pour produire, exporter et livrer tout ce que les entreprises et consommateurs du monde entier commandent aux entreprises chinoises : de revendiquer des récifs et îlots en mer de Chine du Sud à une distance exagérée de ses côtes jusqu'à ouvrir un port à Djibouti, découvrait Gauthier Toulemonde pendant la rédaction de son deuxième hors-série géopolitique.

Un suivi de la presse annonce pourtant cette expansion thalassocratique depuis quelques temps déjà.

Samedi vingt-huit mars 2015, Brice Pedroletti résumait dans Le Monde les aléas de la construction du centre d'affaires/habitat résidentiel/circuit de formule un de Port City à Colombo, la capitale du Sri Lanka. Financé entièrement par des entreprises chinoises, comme le port de Hambantota plus au sud, le chantier était alors suspendu par le nouveau président à cause de soupçon dans les conditions d'attribution du marché et si l'impact environnemental avait été suffisamment pris en compte. Replaçant l'affaire dans un contexte plus large, le journaliste expliquait que l'ancien président évita ainsi de faire appel à des entreprises de pays occidentaux souhaitant enquêter sur la fin de la guerre civile, tout en irritant l'Inde entourée d'alliés économiques de la Chine à force d'équipements offerts. Point final du jeu géopolitique asiatique : un sous-marin chinois faisait escale au port de Colombo (financé par devinez qui) en pleine visite du Premier Ministre japonais...

Les entreprises chinoises et l'État qui les soutient visent dans toutes les directions avec infrastructures en cadeau et matières premières en retour : les pays d'Afrique c'est connu, ou le « collier de perles » qui veille sur la route Chine-Europe ou qui étrangle l'Inde selon le point de vue, et l'Océanie. Dans son numéro du vingt-deux août 2013, Courrier international proposait un dossier composé d'articles japonais, chinois, australiens et fidjiens sur les investissements chinois dans les petits États de l'océan Pacifique, y compris ceux intimement liés aux États-Unis d'Amérique.

Intéressant serait une étude-catalogue des émissions de timbres réalisées et offertes à un pays en développement par l'État chinois ou un de ses affidés, disons une association nationale de philatélie. Je lis, ici et là, parfois avec photographies de cérémonies premier jour en Chine, ce genre de propos...
Coin timbré d'une carte postale en provenance de République populaire de Chine.
Et le pays ne se cache pas des objectifs de ces actions, mais accrocs aux prix bas que nous sommes, consommateurs mondiaux (du portable de base en Afrique au grand écran pour regarder le football en Europe, sans oublier le petit connecté dans la poche), et dans une logique de dissuasion nucléaire, que pourraient faire les autres puissances ?

En illustration, deux timbres maritimes émis par la poste de Chine populaire en 2013 et 2014, dont les lecteurs français remarqueront la finesse de l'oblitération ronde, lisible, permettant avec le bagage linguistique adéquat de savoir où elle a été frappée. Merci au postcrosseur chinois anonyme pour sa carte postale du vingt-six juillet 2015.

À gauche, le timbre de 2014 semble illustrer l'exploration arctique par un navire de la Chinare, l'Administration arctique et antarctique chinoise : pour protéger la zone polaire ou pour savoir quand les armateurs vont enfin pouvoir faire passer des porte-conteneurs en hiver sans l'assistance d'un brise-glaces russe ?

À droite, le timbre de 2013 représente un navire qui dépose un oléoduc ou un navire-raffinerie qui livre ou récupère du pétrole ? En tout cas, une des trois activités de prospection pétrolière off shore illustrées par une série de trois avec le navire-sonar et la plate-forme d'extraction.

Comme témoin de puissance, ces timbres sont-ils plus rassurants que celui sur Les Armes de la victoire émis par la Russie en 2009 ?


Sachez que la puissance chinoise passionne puisque le dernier article de ce blog sur ce thème, daté vendredi douze juin 2015, a attiré plus de deux cents cinquante visites (c'est inouï par ici), une majorité se concentrant au premier trimestre 2016. Si, malgré mon avertissement, les lycéens français cherchent sur ce blog la réponse à leurs tourments de futurs bacheliers : ces deux timbres et les trois articles de presse évoqués peuvent illustrer les chapitres de terminale de géographie sur l'importance stratégique des espaces maritimes, la concurrence entre les puissances chinoises et japonaises, et l'interrogation sur l'état de la puissance états-unienne en ce début de vingt-et-unième siècle.

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