dimanche 3 mars 2024

Histoire postale non manuscrite chez les Incas

  Dans le numéro daté décembre 2023 de Stamp Magazine, John Wright sort des sentiers battus de la philatélie (1840-...), de l'histoire postale pré-philatélique (fin du Moyen Âge européen-1840), et même des écrits (IVe millénaire avant J.C.), en partant de l'autre côté de l'océan Atlantique avant que les conquistadores espagnols et portugais, puis les colons anglo-saxons, ne ravagent les civilisations amérindiennes.

La couverture de Stamp Magazine : l'article qui nous intéresse est en bas à gauche...
...
J'ai dit: EN BAS !!!
#thématiquenichon a encore frappé

Wright conte le rôle du khipu dans le passage de messages au sein de l'Empire inca qui était très long et multilinguistique : des ensembles de quelques à plusieurs milliers de cordes - parfois de couleurs différentes - à base de laines de lama, sur lesquelles étaient réalisées des nœuds différents à des emplacements variés.

Sûrement des éléments comptables puisque les chercheurs ont déterminé un usage de nombres en base décimale, probablement des messages mais le code n'a pas encore été déterminé.

Exemple de khipu au Musée Machu Pichu de Cusco (photographie Pi3.124, via Wikimedia Commons).

Les messagers, chasquis, correspondent au coureur à pied connu de nombreuses civilisations, sans la perche tenant le courrier au sec - faute de papier...

Représentation d'un chasqui dessiné par un conquistador au seizième siècle (via la base documentaire Commons de Wikimédia, auteur signalé par John Wright).

Un conquistador a laissé un dessin de chasqui annonçant son arrivée au coureur suivant avec une conque, rappel des liens entre les littoraux de l'océan Pacifique et les plateaux andins. Les relais postaux étaient diposés le long des routes avec le nécessaire du repos pour les chasqui.

Wright rappelle les différentes formes de routes dans l'Empire inca à l'arrivée des Espagnols : pavé de grandes pierres pour la plupart ; de sable ou de terre tassés dans les zones désertiques. Les chemins étaient aménagés à travers les reliefs : escaliers dans les montagnes, dépierrés sur les pentes plus faibles, etc. Et les connus ponts de corde pour la traverser des rivières encaissées, dont les cordes principales étaient à remplacer chaque année par les communautés locales comme elle devait entretenir les relais des chasquis.


Ne comprenant pas ces messages, utilisés même dans les villages où un nœud défait était refait d'une autre manière, les conquistadores tentèrent d'interdire leur usage. Mais, citant le Professeur Sabine Hyland, l'usage de chasqui entre localités péruviennes s'est poursuivi jusqu'au début du vingtième siècle.

La compréhension des khipus se perdit progressivement, même s'ils servirent pendant la révolte de 1783 au nez et à la barbe des autorités coloniales.

De nos jours, les khipus sont portés par les élus de certains villages péruviens comme preuve de l'ancienneté de leur lignage. Dans les Andes, certains défunts sont enterrés avec une version simple de khipu, imaginé comme prières et chants pour l'au-delà.


Et il semble rester tant de choses à découvrir : au début de l'article, Wright signale les dernières recherches scientifiques. Les plus anciens exemplaires connus dataient du neuvième siècle de notre ère, mais un khipu a été découvert dans une pyramide sur le site de Caral, qui pourrait avoir quatre mille ans.


À défaut de pouvoir en collectionner, les philatélistes et historiens postaux pourront occuper leurs enfants et petits-enfants avec un nouveau système de code et message aux prochaines vacances, avant de passer aux codes de César, encres sympathiques et autres positions de timbres-poste.

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