lundi 20 octobre 2014

Comment fait La Poste pour faire oublier la prochaine augmentation ?

Depuis le premier octobre dernier, La Poste essaie de communiquer à l'opposé des réactions de l'annonce d'une forte augmentation des tarifs postaux du service universel de la lettre au premier janvier 2015, et ce, rapidement dans la presse et... au cinéma.

La couverture du Figaro du 3 octobre 2014 (copie d'écran du site).
 Alors que les lecteurs des journaux en ligne gaussaient l'entreprise postale qui augmente les tarifs de produits de moins en moins utilisés, il fallait bien réagir et réattirer la clientèle vers les activités contemporaines du groupe.

Rien de bien neuf : en septembre 2013, un petit chaperon bleu postal faisait découvrir les offres data de La Poste.

Effet garanti en tout cas : la une du bleu conservateur Figaro qui devient jaune canari. Un slogan-rappel fort : « aujourd'hui dans Le Figaro. Tous les jours dans votre quotidien ».

La couverture de Libération des 4 et 5 octobre 2014 (copie d'écran du site).
Le lendemain, numéro de week-end du plus libéral Libération avec oblitération fictive de la plate-forme industrielle courrier de Paris Nord à Gonesse (95504 cedex).

Celui-là fut acheté par votre serviteur, surtout pour le dossier sur « La nuit menacée » à Paris où les habitants souhaitent plus de calme de la part des noctambules.

Quels messages individuels pour La Poste ?

En page deux, un bloc de vignettes dentelées - certains symboles ont la vie dure - résume en images : tout pour comprendre que votre colis et les services postaux vous parviendront vaille que vaille, quitte à utiliser un téléphone mobile.

Puis, quelques cases dans le journal explicite : livreur de colis page 7, La Poste « donne des bras, des jambes et un sourire à Internet » page 9. Pages 13 et 15, l'application mobile de La Poste permet « d'avoir un bureau de poste dans [son] bus », permettant pages 21 et 23 de suivre vos colis. En grasse matinée et la flème, pas de souci, le site de La Poste - pages 39 et 41 - vous permet d'acheter des timbres et d'envoyer du courrier depuis son domicile.

Pour finir page 49, une pique sur les tarifs : « Morlaix-Tokyo : 0,98 €* / Qui dit mieux ? ». L'astérisque précisant qu'il ne s'agit pas du prix du voyage du lecteur pour Tokyo.

Retour au cahier de une : « Connaissez-vous les nouveaux services de La Poste ? »

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Le rédacteur en chef du journal Laurent Joffrin précise sur la véritable une que l'invasion jaune est une opération de communication entre deux alliés objectifs : « elle distribue les journaux - à un tarif préférentiel - et subit, comme eux, le défi de la mutation que lui lancent les réseaux en ligne ».

Un métier en difficulté communiquant à travers un autre métier en difficulté...

Heureusement que La Poste connaît le cinéma : destruction de 4L postale dans Les Visiteurs en 1993 côté film, Le Jeune côté publicité en 2002.

Surprise ce mercredi soir au cinéma, La Poste présente encore des jeunes, désormais à l'époque de la famille nouvelle - recomposée ou au désir tardif de deuxième enfant : le très grand frère gérant la toute petite sœur, et faute de talents de blanchisseur, devant faire appel à toute la panoplie nouvelle de La Poste pour se faire livrer dare-dare le jumeau du doudou avant le retour des parents.

Belle tentative en trente secondes de rappeler à la génération web et portable que le courrier a besoin d'opérateurs postaux pour circuler. Quitte à l'inciter à la correspondance en transformant l'écriture-clavier en carte postale imprimée par La Poste elle-même.

À en croire Le Figaro Économie du 2 octobre, c'est un bombardement publicitaire que subissent mes compatriotes regardant encore la télévision à horaires imposés, avec concours TF1 de Montimbramoi... Heureux je suis d'appartenir à la génération pour qui l'écran affiche ce que je veux quand je le souhaite.

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Cela aura-t-il un effet sur le chiffre d'affaires et les profits de La Poste ? Aucune idée, même si je pense que c'est par la fidélité des entreprises à ses services qu'elle tiendra bon.

Mais, il faudrait rattraper les clients particuliers en effet, qui, technologie aidant, ne sont obligés de passer par l'entreprise publique que pour les recommandés par obligation légale, et peut-être la réception de colis où les concurrents se multiplient.

Les collectionneurs de vignettes, eux, ont l'air d'avoir déserté le champ de bataille. Déjà, le passage du nombre de timbres vendus au nombre de timbres imprimés devait cacher un souci et faire croire à des pénuries...

L'émission de luxe de timbres en taille-douce pour lettre recommandée, « Les Trésors de la philatélie », sponsorisée par la φFAP, voit φ@l@laposte détruire la moitié du tirage pour tenter d'attirer les collectionneurs paniqués de l'avoir ratée et, remarque le blogueur Pierre Jullien, les spéculateurs de tout poil y venir pour les années suivantes.

Incinération pour tenter d'animer du feu sacré les visiteurs du Salon d'automne de novembre qui apprécieront les réchauffés :
1) carnet des nombreux timbres de juin : chers clients, pourriez-vous vous contenter de carnets commémoratifs autocollants plutôt que de coûteuses feuilles dentelées gommées ? Ça aiderait notre marge bénéficiaire.
2) la surcharge des invendus d'une autre feuille coûteuse. Quel meilleur moyen de marquer les soixante-dix ans de la première effigie philatélique Marianne émise par le phénix républicain à Alger qu'en employant une autre effigie maculée d'encre...

LOL

comme dirait ironiquement les jeunes.

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