vendredi 29 avril 2016

Correspondances balkaniques dans les magazines de mai

Après avoir écumé les confins des empires russes et austro-hongrois du dix-neuvième siècle des nationalités à la fin de la Première Guerre mondiale dans les numéros de février 2016, voilà que deux de mes magazines français et britanniques s'attaquent aux Balkans dans les numéros datés de mai : de Belgrade à Constanza aux marges d'un Empire ottoman déclinant en Europe, avec escales grecques.
La couverture rangée au cordeau du Stamp Magazine daté mai 2016.
Toujours à compulser leur calendrier universel des anniversaires, Stamp Magazine place en couverture l'article des cent cinquante ans du premier timbre-poste de Serbie.

John Winchester raconte la tumultueuse histoire de l'autonomie de la principauté de Serbie des insurrections de 1804 et 1817, à l'établissement d'un royaume indépendant d'Istanbul après deux guerres en 1876, et conclut l'article avec l'établissement de la Yougoslavie, le royaume des Slaves du Sud.

Tout en décrivant les timbres émis, leur genèse dans les grands ateliers de gravure d'Europe (Louis-Eugène Mouchon en guest star aux côtés de Wincenz Katzler de la Monnaie de Vienne, Carl von Radnitzky à Vienne, des Français C. Dumont et G. Tasset) de Vienne à Paris, en passant même par Berlin en 1890.

Surtout, le passage d'un souverain à un autre, d'une timbre à un autre, montre le conflit de deux familles pendant ce première siècle serbe : les Obrenovic d'un côté, les Karadjordjevic d'un autre. Quatre révolutions entre ces deux dynasties, en plus des deux soulèvements du début et les multiples conflits contre l'Empire ottoman, puis les voisins, eux aussi prenant leur indépendance, afin de définir des frontières nationales dans un espace multinational.

Un bon moyen de se rendre compte que venir au secours de la Serbie en 1914 était peut-être protéger un petit pays contre un gigantesque voisin - et régler des comptes entre six puissances mondiales, mais aussi une petite folie face à un État si remuant dans un environnement tendu et qui le restera longtemps. En 1934, le roi Alexandre Ier de Yougoslavie est assassiné à Marseille par un terroriste bulgare dont l'organisation visait à ce que les Bulgare contrôle la Macédoine et la Thrace - organisation que l'armée bulgare était en train de détruire après le coup d'État du printemps précédent.


Côté français, ce sont les deux dernières publications de Timbres magazine qui présentent l'histoire et la complexité géopolitique de cette région d'Europe à des moments et par des spécialités philatéliques qui la montre calme et suffisamment pacifiques pour permettre au courrier international de circuler l'Europe occidentale et centrale vers l'Empire ottoman.
La couverture du Timbres magazine de mai 2016 et ses (seulement) huit titres à la une (version bien verticale via www.trouverlapresse.com).
Côté magazine mensuel daté mai 2016, Laurent Veglio présente les options maritimes et terrestres qui se présentent à un expéditeur français du Second Empire pour sa lettre à destination de Constantinople.

À la fin des années 1850, une compagnie britannique propose au sultan la construction d'une voie ferrée entre le Danube et la mer Noire, au port de Constanza (Constanța en roumain et écrit à la française à partir du turc Kustendje). L'objectif postal est d'économiser de précieuses demi-journées de transport fluvial à travers la Dobroudja par le coude menant au delta du Danube, tout en s'éloignant géopolitiquement d'un Empire russe alors honni par une les puissances françaises et britanniques : voir la guerre de Crimée de 1853 à 1856.

Pendant six ans, à Vienne, la voie de terre permet soit de passer par Belgrade, alors à la frontière danubienne de l'Empire ottoman, puis d'employer les postes ottomanes, ou de continuer à descendre le Danube sur un bateau autrichien entre rive ottomane et rive vallache au nord (Valachie tout juste devenue l'embryon futur de la Roumanie par fusion avec la principauté de Moldavie... oïe, nous revoilà aux confins de l'Ukraine et du futur Empire soviétique) pour atteindre le nouveau barreau ferroviaire.

Un tableau de Laurent Veglio, à partir du calcul des temps de parcours et des jours de départ, démontre la pertinence de l'entreprise si la lettre pour la capitale ottomane ne rate pas le départ : de trois à quatre jours d'économiser par rapport à la voie balkanique et même les deux voies maritimes étudiées : par les Messageries impériales au départ de Marseille ou la Lloyd Austriaco par Trieste - au nord-est d'une Italie remuée par l'unification piémontaise.

À tel point, que la voie de Kustendje est concurrencée dès 1866 - merci « la bulle ferroviaire » de l'époque,par un barreau en Dobroudja méridionale, dans la future Bulgarie, entre Roussé (Routchouk en turc, presque au droit de Bucarest) et Varna, cent cinquante kilomètres environ au sud de Constanza.

Cet article prenant à lire est complété de notes infrapaginales et de ses sources, deux moyens pour que les lecteurs aillent d'eux-mêmes plus loin. Encore trop rarement présents dans les pages de Timbres magazine.
Couverture du second Dessous des timbres que Gauthier Toulemonde consacre à la présence française dans le monde.
Car c'est avec un dictionnaire historique ou les articles opportuns des Wikipédias (selon les sources de leur contenu, leur illustration, parfois liés à la langue des contributeurs) qu'il faut lire la longue liste des bureaux de poste français en Grèce de 1852 à 1914 dans le deuxième numéro hors-série Les Dessous des timbres en cours de commercialisation depuis mi-avril...

... pour expliciter les quelques remarques dispersées sur le pays où se trouvait la ville concernée au fil des conflits entre indépendantistes grecs ou bulgares et l'Empire ottoman.

Certes, l'article avait d'autres buts premiers, demandant déjà de la rédaction et des illustrations. Il constitue une étude de cas pour l'ensemble des bureaux français d'Europe et du Proche-Orient, comme le sont également les articles sur Fort Bayard en Chine du Sud et Yokohama au Japon : rappeler quels timbres de France furent imprimés ou surchargés pour ces bureaux lointains, quelles oblitérations gros chiffres recherchés avant ces timbres spécifiques. Et, enfin, quelle est la chronologie typique qui justifia l'ouverture de ces bureaux entre nécessité postale maritime et expression de la puissance dans des zones à influencer ou coloniser.

Un catalogue de cotations suffit pour débuter après la lecture de cet article.

En grattant internet, avant de se jeter sur une bibliothèque d'association ou organisation philatélique, on tombe assez rapidement sur le site de Robert Désert sur les « bureaux français de l'Empire ottoman (oblitérations sur timbres français, 1854-1902) », dernière mise à jour en 2004 et premier (et depuis le seul remis) Prix internet 2002 de l'Académie de philatélie. On y apprend qu'un bureau français fut ouvert de 1869 à 1879 à Kustendje, combien peu de timbres et d'enveloppes en sont restés.
Timbre émis par la Danube and Black Sea Railway pour le courrier transporté sur sa ligne (base d'images Commons de Wikimedia).
Parvenu au web anglophone, c'est un contributeur roumain du forum StampCommunity.org qui proposait en juin 2013 quelques éléments de l'histoire philatélique et postale de Kustensje : un timbre local est issu d'un accord entre la compagnie Danube and Black Sea Railway et une compagnie du port de Constanza. Il fut employé seul pour les correspondances entre les villes de la ligne ou en complément de timbres autrichiens (Levant ou Lombardie-Vénétie).

Les Balkans au temps des indépendances et des conflits nationaux, une région à creuser autant que l'Europe orientale dans l'après-Grande Guerre.

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