dimanche 7 août 2016

Pour inspirer de nouveaux latino-américanistes

Le jeudi vingt-huit juillet 2016, toute l'après-midi au 41 Devonshire Place, seize membres de la Royal Philatelic Society London ont présenté aux membres et visiteurs dix-huit collections de philatélie et d'histoire postale d'Amérique latine, cinquante-deux cadres en tout.

L'introduction du Président Frank Walton et du Commissaire de l'exposition John Shaw rappelle qu'il manque une société spécialisée dans ce continent, au Royaume-Uni en tout cas. Quant à la date estivale, elle est un essai pour voir si les membres sont intéressés par un moment supplémentaire entre la fin d'une saison et le début de la suivante.

Des timbres, des timbres...
La plus colorée fut proposée par Janet Nelson avec les émissions de Correios, la poste brésilienne, émises pendant les années 2010, qui rafraîchissaient les yeux après cinquante panneaux dans les couleurs de base de la typographie et de la taille-douce.

Sinon, l'étude des premières émissions reste la figure imposée des philatélies par nation : Chili par Joseph Hackmey et John Shaw, Haïti avec Geoff Hanney et Brian Moorhouse, Équateur et Venezuela toutes deux par Guido Craveri, le Nicaragua et le Pérou avec Christopher Harman et l'Uruguay par Gregory Todd. Pour le Chili, l'intérêt d'avoir deux points de vue est immense pour le non-spécialiste : Hackmey présentant les premiers Colón chiliens quant Shaw creuse les réimpressions tardives (normalement surchargées) à l'initiative du philatéliste Hugo Hahn.

Le changement d'imprimeurs permet de rappeler un pan de l'histoire philatélique : Christopher Harman présentait les émissions de provenance états-unienne du Nicaragua : de l'American Bank Note Company* à l'entreprenant Nicholas Seebeck et son Hamilton Bank Note Engraving & Printing Company dans la décennie 1890.

Ce qui anime les études individuelles de timbres-poste en Amérique latine est l'existence d'émissions locales. Alan D. Anyon présentait les émissions provisoires de Colombie, nécessaires souvent, inventives, spéculatives parfois, voire frauduleuses.

Des lettres, preuves de déplacements... audacieux.
En histoire postale, les moyens de transport pouvaient constituer un fil directeur de fait.
Lettre transportée par un service de diligence (oblitération) de la ville de Mexico pour Guadalajara, sans date (collection Jay Walmsley, exposition RPSL du vingt-huit juillet 2016).
Au Mexique avec Jay Walmsley, les marques puis oblitérations des diligences permettaient de rappeler le retard des réseaux postaux an Amérique espagnole, un héritage des caisses vidées laissées par la métropole aux nouvelles républiques sécessionnistes. La collection continuait ensuite vers les ambulants ferroviaires de la seconde moitié du dix-neuvième siècle.

De la poste aérienne**.
De l'audace privée brésilienne... des trous aériens !?
Entre philatélie et histoire postale - c'est une exposition non compétitive, soyons audacieux, Nick Nelson faisait découvrir les timbres des compagnies privées brésiliennes, autorisées d'exercer par un décret de 1927. Trois compagnies (Condor, ETA et Varig) et un vol de Zeppelin sont à découvrir par ses timbres privés.

Les plus chanceux trouveront chez Varif des timbres troués ! Dans les années 1930, Varig surchargea certains timbres et, pour éviter la spéculation (quels naïfs) trouèrent à grand trou les exemplaires dont la surcharge présentait des erreurs... Vous imaginez aisément la suite.

Encore de l'audace entre Colombie et Allemagne... via New York !
La Société colombo-allemande de transports aériens (SCADTA) passionne visiblement.

Eddie Speicer la considère à partir de la prise de contrôle par Pan American Airways en 1930 qui consolide des liaisons entre Colombie et États-Unis sous le marque « Mancomun », puis « Transoceanico » avec les liaisons vers l'Europe à partir de New York en 1939. À rechercher jusqu'aux années 1950.
Enveloppe aérienne entre banques d'Allemagne vers la Colombie avec timbres des deux pays (collection Robin Pizer, exposition RPSL du vingt-huit juillet 2016).
Mais, à mes yeux d'amateurs ignorants non avertis, c'est Robin Pizer qui a choisi la meilleure période de la SCADTA quand elle permettait des liaisons aériennes entre Allemagne et Colombie avec des enveloppes comprenant simultanément des timbres-postes des deux pays. Ceux de Colombie étant même  surchargés « A » et « R » pour le service aérien et la recommandation. Merci au membre allemand qui m'a aidé à comprendre cet ensemble, puis celui de John Lea.

Et toujours de l'audace (Danton était-il britannique ?)
La palme de l'audace reviendra finalement à John Lea pour une approche synthétique, mais pleine de surprises.

Avec le titre général « Postal History in Latin America », il présentait, enveloppe après enveloppe, de nombreuses spécialités de l'histoire postale depuis les marques d'entrée londoniennes dans les années 1930 jusqu'aux courriers récupérés après des accidents aériens.

Et dès les entrées, il isole une enveloppe banale : adresse et oblitération londonienne, mais si on prend le temps de lire la lettre à l'intérieur : c'est un courrier d'octobre 1861 entré au Royaume-Uni dans une caisse de courrier par une grande compagnie marchande, puis (illégalement ?) affranchie et postée à prix intérieur en novembre.
L'enveloppe toute londonienne dissimulant une lettre brésilienne de Bahia de 1861 (collection John Lea, exposition RPSL du vingt-huit juillet 2016).
Lea s'amuse même à trouver des éléments rares. Telle une toute aussi anodine lettre postée d'Argentine et destinée à l'Air Transport Auxiliary en Angleterre. Les expéditeurs, les Holland, une famille anglaise expatriée, écrivaient à leur fille pilote et mécanicienne, volontaire pour l'effort de guerre britannique. L'ATA recrutant parmi les pilotes refusés par la Royal Air Force dont les femmes.

S'il n'a pas lu cette explication de Lea dans le livret, le philatéliste britannophile se sera arrêté seulement à de rares usages de très fortes valeurs faciales britanniques sur courrier aérien vers l'Amérique du Sud transportées par des compagnies européennes des années 1930 à la fin des années 1940. Dans le livret est illustrée une lettre recommandée d'une banque anglaise à destination de l'Argentine affranchie du coûteux commémoratif pour le Congrès de l'Union postale de 1929 ; l'exposition allait jusqu'à une enveloppe de 1942 entre le siège londonien de Pirelli à celui de São Paulo avec trois George VI de dix shillings et marque de douane!

Du livret d'une exposition détendue
Le livret de l'exposition est disponible à tous au format pdf à partir de la liste des événements récents sur le site de la Société.

Dans mon parcours de seize mois à comprendre à quoi sert une exposition philatélique, avec l'étude un peu approfondie de Paris-Philex (oui les derniers épisodes arrivent, patience !), cette exposition de visu (et non à feuilleter un résumé ou un livre numérique sur le site de la RPSL) permet de voir comment le collectionneur peut présenter un thème de manière très approfondie avec une grande simplicité de présentation, dès que les contraintes de la compétition sont retirées.

Suppression ou allègement des filets d'encre encadrant les feuilles, légendes synthétiques des pièces tout en restant riches d'informations, introductions parfois plus longues qu'autorisées mais éclairant toute la collection : comme celle sur l'importance des diligences privées mexicaines dans les décennies après l'indépendance.

Notes :
* : American Bank Note Company dont la Société possède une histoire auto-éditée en 1959 très richement illustrée d'exemples des gravures réalisées par thèmes : portraits, animaux, activités humaines, transports, etc.
** : Avez-vous remarqué la série d'articles sur l'Aéropostale publiée cette semaine passée par le quotidien français Le Figaro - en version payante sur leur site ? Voici le lien vers le premier article.

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