La banque centrale affirme imprimée les nouvelles petites coupures à toute vitesse sans pause tandis que le gouvernement multiplie les ristournes pour les paiements dématérialisés reçues par les entreprises publiques.
Toujours avec le suivi en direct de The Times of India (semaines 2, 3, 4 et 5 par les liens).
Lundi douze décembre : pas de banque ouverte, mais un Times of India qui furète.
Fête religieuse musulmane oblige, les banques indiennes sont fermées ce lundi, donc pas d'images de files d'attente pour tenter de retirer quelques billets.
Le Times of India a donc le temps - entre deux saisies de vieux et nouveaux stocks de billets par la police - d'aller vérifier la proportion de donations en espèces et anonymes ont reçu les principaux partis politiques présents au Parlement... C'est pas joli-joli. Plus de la moitié des dons reçus sont en espèces et anonymes, ce qui n'empêche pas certains partis de demander à bénéficier de l'exemption fiscale et de faire appel de toute sanction.
Mardi treize décembre : triste jour pour l'environnement.
En effet, début de la ristourne aux pompes à essence de la compagnie pétrolière publique à ceux qui paieront sans monnaie matérielle. 0,75% du prix payé leur sera reversé dans les trois jours. Heureusement les billets et les services ferroviaires réservés en ligne sont également concernés.
Après un long week-end, les journalistes indiens pètent la forme.
Inévitable pour des opérations d'échange d'une telle importance : le gouverneur de la Reserve Bank of India signale que le Bureau central d'investigation (CBI), les banques et la poste indienne ont déjà lancé des enquêtes sur des employés pour avoir procédé à des échanges de billets démonétisés bien au-delà des limites légales. Le gouverneur demande donc aux banques de conserver les enregistrements de vidéo-surveillance et comptables de leurs agences et de leur coffre.
Le dernier fait divers est l'aide de quatre cadres bancaires pour aider un propriétaire de casino dans le Karnataka, dans le sud-ouest du pays.
Dans les campagnes, l'emploi journalier a été en forte baisse d'octobre à novembre 2016 dans le cadre du droit au travail rural de la loi de 2005, malgré la saison des semences d'hiver. N'est resté aux travailleurs que des travaux temporaires et mal payés, qui se sont ajoutés aux problèmes d'accès aux billets de banque (file d'attente, refus des employeurs de payer de suite, etc.). La situation du fond baptisé Mahatma Gandhi paraît aussi dépendre des régions, selon les fonds délivrés par le gouvernement fédéral.
Côté bilan macro-économique, la démonétisation et le manque de liquidités qu'elle engendre soufflent le chaud et le froid. L'inflation est quelques dixièmes moins forte que prévues en novembre car les ménages ont réduit leur consommation par manque de billets, mais la banque centrale se méfie d'une forte reprise au printemps car les semences d'hiver ont subi le problème de plein fouet : des agriculteurs ne pouvant acheter semences et matériel nécessaires avec des billets ayant perdu toute valeur...
En conclusion, en un mardi où quasiment tous les partis d'opposition ont répété leurs arguments anti-Premier Ministre, chaque élection régionale va dépendre de l'importance des conséquences de la démonétisation.
Mercredi quatorze décembre : palmarès policier et fiscal.
Aujourd'hui, le direct du Times of India est rempli de saisies de bijoux, lingots d'or et anciens comme nouveaux billets en quantités suspectes, tellement suspectes qu'un ancien ministre des finances se demande si on ne s'est pas servi directement à l'imprimerie... Même les coffres dans les banques sont ouverts.
Ce palmarès n'efface pas le manque de billets dans les banques, exemples pris en Uttar Pradesh où la clientèle devient franchement hostile.
Depuis la démonétisation, les pharmaciens ont vendu plus de médicaments pour maladies chroniques en acceptant les anciens billets. Mais, comme ils peuvent difficilement se fournir en payant en espèces, ils craignent une pénurie de ces traitements dans quelques mois.
Offensif, Rahul Gandhi du Parti du Congrès clame qu'il a des informations sur la corruption personnelle du Premier Ministre Narendra Modi, rappelant que ce dernier refuse toujours de s'exprimer à l'assemblée nationale.
Jeudi quinze décembre : pendant que les opérations de police continuent...
Le secrétaire aux affaires économiques, Shaktikanta Das, a tenu un discours rassurant sur l'ensemble des opérations post-démonétisation, notamment que la Banque centrale d'Inde a diffusé l'équivalent de trois ans de billets de cent roupies ces cinq dernières semaines. La remonétisation est marche : cinquante pour cent des dépôts bancaires s'effectuent actuellement en nouveaux billets.
Néanmoins, le juge principal de la Cour suprême a interrogé le représentant du gouvernement sur comment certaines personnes parviennent à obtenir des nouveaux billets par centaine de milliers de roupies (voir saisies hier qu'une infographie du journal trouve fort importantes en valeur au Karnataka)... et pourquoi, à partir de minuit, ceux qui manquent d'espèces ne pourraient pas continuer à utiliser les billets démonétisés pour les achats essentiels.
Bref, la Cour suprême passera-t-elle un ordre intérimaire pour gérer elle-même le manque de liquidités ? Ou le gouvernement montrera-t-il sa capacité à remonétiser l'économie ?
En attendant, le directeur de la Reserve Bank of India n'est pas rentré par la grande porte de sa succursale de Calcutta où l'attendaient deux manifestations du Trinamool Congress, au pouvoir au Bengale-Occidental, et du Parti communiste d'Inde (marxiste).
Côté dématérialisation, le directeur du groupe de réflexion gouvernemental NITI Aayog a lancé deux concours encourageant à payer électroniquement. Les prix sont à remporter pendant les cent prochains jours : des prix de mille roupies aux heureux consommateurs et des prix allant jusqu'à cinquante mille roupies pour les commerçants.
Côté politiciens, un dirigeant du parti au pouvoir rappelle à Rahul Gandhi que le code de procédure pénale l'oblige à révéler tout délit et crime dont il aurait connaissance, après que le membre du Parti du Congrès a affirmé avoir connaissance de corruption personnelle du Premier Ministre.
À minuit cette nuit, les anciens billets de cinq cents roupies perdent donc toute valeur transactionnelle. Le gouvernement avait décidé, le deux décembre dernier, d'en étendre que les plus urgentes (achats de médicaments, de lait par exemple), ayant conclu que les tolérances servaient principalement à blanchir de l'argent d'origine douteuse.
Vendredi seize décembre : dernier jour de la session parlementaire d'hiver.
Finalement, la Cour suprême laisse, pour le moment, le gouvernement continuer à gérer la situation post-démonétisation. À partir de demain, celui-ci accepte jusqu'au trente-et-un mars 2017 les déclarations de revenus dissimulés contre une taxe de cinquante pour cent, après vérification de l'origine de ces fonds. Les services fiscaux ont ouvert une adresse e-mail pour recevoir des informations sur l'argent sale.
Côté politiciens, l'opposition à la démonétisation s'est fissuré : à l'approche des élections en Uttar Pradesh, les dirigeants du Parti du Congrès, dont Rahul Gandhi, ont rencontré le Premier Ministre Modi au sujet d'une loi pour aider les fermiers débiteurs de l'État... L'article ne dit pas s'ils ont abordé les accusations récentes de M. Gandhi sur la probité de M. Modi, mais sur la réaction des partenaires d'opposition du Congrès.
Samedi dix-sept décembre : week-end = pause ? Non car...
La police et le fisc ne s'arrêtent jamais. Les annonces de perquisition avec force masses de billets, bijoux et lingots continuent dans la presse, et les poissons sont de plus en plus gros : cadre de la compagnie ferroviaire, financier du Gujarat, quatre changeurs de monnaies précieuses de Mumbai, etc. De plus, deux cadres régionaux de la banque centrale sont concernés pour échange illégal de billets.
Les politiciens ne peuvent s'empêcher de s'échanger les mêmes politesses depuis plus d'un mois (et je soupçonne depuis des années sur d'autres sujets) : Rahul Gandhi a discouru contre le Premier Ministre en accusant ce dernier d'être soumis aux cinquante plus riches familles d'Inde ; les soutiens de ce dernier ont reposé l'équation : opposants contre la démonétisation = soutiens de la corruption en insinuant un changement d'attitude de certaines personnalités de l'opposition, plus calmes voire soucieuses dernièrement.
Reste les petits problèmes occasionnés par la nécessité d'épurer l'économie, qui deviennent des tragédies : un fermier a tenté de se suicider devant sa banque qui n'avait pas crédité un chèque déposé il y a neuf jour. Le directeur de l'agence a expliqué qu'avec l'augmentation du nombre de chèques utilisés depuis la démonétisation, leur traitement prend deux à trois fois plus de temps que d'habitude.
Dimanche dix-huit décembre : Encore non car... ?
Les affaires deviennent de plus en plus abracadabrantesque : un fonctionnaire du département des taxes indirectes a été arrêté avec une petite fortune en nouveaux billets de deux mille roupies, le financier du Gujarat avait chez lui deux kilogrammes d'or et une quarantaine d'argent. D'autres affaires à venir en ciblant les métaux précieux ? Rien que l'Hyderabad a importé huit tonnes d'or entre la démonétisation et le trente novembre !
Effet de la démonétisation sur le marché indien ? Prix fort sur le marché mondial ? Réussite d'une politique d'employer du charbon indien ? En attendant, les importations de charbon ont baissé de seize pour cent en novembre.
Alors que l'ensemble des établissements de la ville connaissent une baisse équivalente du nombre de patients, trois hôpitaux privés de Calcutta acceptent ouvertement des paiements en devises étrangères de la part des patients bangladais : dollars des États-Unis bien sûr, mais aussi des takas... Bureau de change dans l'entrée, peut-être des publicités dans les journaux pour le faire savoir.
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