dimanche 17 juin 2018

Wolfenstein 2 : du courrier uchronique des vaincus et des vainqueurs

Week-end uchronie et cyberpunk avec le jeu vidéo de combat et de tir à la première personne Wolfenstein 2: The New Colossus du studio suédois MachineGames, publié par Bethesda en octobre 2017 pour ordinateurs et consoles actuelles - attention : jeu déconseillé aux moins de dix-huit ans (violence, vocabulaire brut et... la cruauté du nazisme dénoncé avec ironie).
L'affiche principale du jeu : l'objectif est limpide.
Malgré ses blessures à la fin du premier jeu, aidée d'une armure exosquelette, le héros Blazkowicz repart au combat, en 1961, contre une Allemagne nazie victorieuse de la Seconde Guerre mondiale en 1948 grâce à une avance technologique et ses souvenirs d'une Amérique profondément racistes. Avec son groupe de résistants, il traverse l'Atlantique pour provoquer une révolution aux États-Unis mêmes.

À l'aide de parodies télévisées (jeu ou série à la Lassie) et de scènes cocasses, la promotion du jeu avait secoué de nombreux joueurs et milieux d'extrême-droite aux États-Unis et en Europe en suggérant la collaboration des membres du Ku Klux Klan avec le conquérant nazi et l'alliance du héros, descendant de migrants polonais et juif par sa mère, avec ce qu'il reste du Black Power dans un New York apocalyptique (mais pas encore explorable avec la chair de poule comme dans Fallout).

Grâce aux nombreux objets à collecter par le joueur, les auteurs imagine comment communiquerait-on dans les États-Unis d'avant la capitulation et dans l'armée nazie du début des années 1960 ?

Les premiers e-mails existent pour des messages rapides... et triviaux... sur bandes magnétiques : où est passé ce sous-officier chargé de ramener des milk shakes ?

Les ordres impérieux du commandement parviennent sur des feuillets à bande rouge.
Enveloppe uchronique allemande dans le jeu Wolfenstein 2: The New Colossus (photographie d'écran).
Mais, le courrier postal maintient l'essentiel du lien entre les soldats et leurs familles. Par contre, comme ces courriers sont un élément de contexte uchronique et, rarement, un élément indispensable à l'action fusillante et explosive du jeu, c'est la même enveloppe standard que le joueur voit à chaque découverte de courrier.

Digne du courrier censuré : timbre-étiquette à lettre et numéro codé, oblitérations à symboles du régime (aigle et croix gammée).
L'enveloppe standard du courrier états-unien d'avant l'invasion-cauchemar de 1961 (photographie d'écran).
Côté états-unien, l'enveloppe est plus civile : timbre sans valeur faciale, mais rappelant les timbres de poste aérienne bleu, blanc et rouge. L'oblitération est sans nom de ville toujours puisqu'unique pour toutes les lettres trouvées et rédigées avant l'attaque nucléaire sur New York de 1948.

Si les messages militaires nazis sont une forme d'humour cynique, les lettres des civils allemands et états-uniens dérangent davantage le joueur, en rappelant l'humanité des expéditeurs et des destinataires : inquiétude face au fils parti « libérer » les Blancs d'Amérique, petit mafieux new-yorkais davantage préoccupé de ses trafics portuaires que de la défaite qui s'annonce, etc.

Même si le but du jeu est de proposer un défouloir au joueur, un défi de survivre à un puzzle fait de vagues ennemis de difficulté croissante et de bonus de points de vie, d'armures et de munitions en quantité limitée, son intrigue uchronique parvient à approfondir le présent comme d'autres romans classiques du genre : combien de minutes avant la fin de nos réels États de droit ?

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