jeudi 14 août 2025

Archives, recherches et rédaction dans The London Philatelist été 2025

 Dans le numéro juillet-août 2025 de The London Philatelist et ses compléments sponsorisés, les membres de la Société philatélique royale de Londres (RPSL), l'Association internationale des journalistes philatéliques (AIJP) et deux grandes maisons de commerce proposent abondance de conseils et de ressources passés et à venir sur le rôle des archives, de la recherche et de la rédaction en philatélie.


Ce qui a attiré d'abord mon regard a été le fascicule édité par l'AIJP et la maison aux enchères allemande Heinrich Köller pour annoncer un Sommet sur la littérature philatélique suivi de la vente de « La Bibliothèque "PARIS" », les treize et quatorze novembre 2015 pour le premier, le quinze pour la seconde ; le tout à Wiesbaden, en Hesse.

Le Suédois Tomas Bjäringer cède son immense bibliothèque philatélique aux enchères, dont une partie est photographiée au siège de la maison d'enchères, rangée comme au départ dans ses étagères d'origine.

Le catalogue est téléchargeable en pdf sur le site de vente, sous le nom donc The "PARIS" Library (sa seconde ville de résidence), et numéro 387, ISBN 978-3-911997-32-4.

Plus de mille deux cents ouvrages des origines de la timbromanie aux ouvrages récents de référence aux tirages limités ; présentés pour certains comme rares et/ou reliés luxueusement, de provenance à faire frémir les fans d'autographes ; ou, plus utile à mon avis, annotés par l'auteur, le marchand aux enchères, ou un de ses propriétaires.

Attention aux spécialistes de la Suède, la partie de la bibliothèque de Tomas Bjäringer sur son pays sera proposée le trente novembre par GÖTA Frimärken, à Göteborg, même si la liste des lots suédois est reproduite dans le même fichier pdf.

Le catalogue comprend plusieurs pages sur l'œuvre philatélique de Bjäringer, principalement ses réalisations en écriture philatélique, sa participation à l'organisation de grands moments bibliophiles tels une partie de sa collection lors de Stockholmia 2019 pour les cent cinquante ans de la RPSL ; ainsi qu'une sorte de « généalogie » philatélique, à la fois familiale et de ses mentors.

Avant la liste des lors, Bjäringer présente les dix livres qu'il emporterait sur une île déserte et une page présente celle à qui il confie la reliure de ses ouvrages depuis deux décennies : Annika Baudry de ateljé b, une Suédoise, diplômée et installée à Paris.

Vue l'inflation des tarifs postaux, notamment pour les colis express avec assurance, Henrich Köller offre deux pour cent de ristourne sur les frais du vendeur (buyer's premium) aux acquéreurs qui viendront retirer leurs lots le lendemain, dimanche quinze novembre.


Pour ces objets spécifiques que sont les livres philatéliques, à la fois fruits de la recherche, outils de travail des chercheurs suivants, et objets de collection, l'AIJP organise un sommet sur la littérature philatéliques, toujours à Wiesbaden, les deux jours précédents cette vente.

Certes, avec un hôtel partenaire, on pressent que cela aidera à attirer des acheteurs à de petites vacances philatéliques en Allemagne, mais le titre des exposés et discussions montre le développement des questionnements.

Venus d'Allemagne, du Royaume-Uni et de Suède principalement, et quelques autres pays européens, les animateurs s'interrogeront, entre autres le premier jour :

- la littérature philatélique se limite-t-elle aux timbres et donc à la période depuis le six mai 1840 (Chris King) ;

- Karl Louis, connu pour tenir des bases de données philatéliques, d'histoire postale et de littérature, présentera l'intérêt et les limites des catalogues de vente aux enchères comme fondements de « registres philatéliques ». Il sera suivi par James Podger sur comment collectionner lesdits catalogues ;

- L'après-midi du premier jour verra la question des collectionneurs renommés (provenance, valeur de placement, j'imagine) autant que celle de la conservation d'une bibliothèque privée.

Le deuxième jour sera celui des études de cas, entre autres :

- des grandes bibliothèques de référence allemandes : à Wuppertal, Hambourg et celle nommée en mémoire d'Heinrich Köller à Francfort-sur-le-Main ; et celle de la RPSL à Londres ;

- des éditeurs passées (Jean-Baptiste Moens, et un panorama sur la littérature suisse) et actuels avec The Stuart Rossiter Trust.

Pour clore, Claudio Manzati posera une question d'actualité : « Lancer un journal international d'histoire postale de nos jours : une idée folle ou un défi raisonnable ? »


Néanmoins, il faut bien que ses livres aient été rédigées, des recherches menées pour les emplir de connaissances aussi fiables que possible.

Et là, le numéro lui-même du London Philatelist présente le compte-rendu du Crawford Festival qui s'est tenu les vingt-quatre et vingt-cinq juin 2025, au siège de la RPSL, 15 Abchurch Lane, à Londres.

Les archives étaient le thème de ce colloque annuel sur la recherche philatélique, nommé d'après James Lindsay, comte de Crawford (1847-1913), grand bibliophile et sûrement un des premiers à acquérir et mettre en valeur les épreuves et essais qui participent de la genèse des timbres-poste.

La première présentation par le Français Maurice Hadida et le Gibraltarien Richard Garcia a montré comment leur ouvrage sur les postes locales et chérifiennes du Maroc a précisé, corrigé, voire découvert des connaissances en partant des archives diplomatiques de Gibraltar, Espagne, France, Royaume-Uni et Allemagne.

Un labeur de quelques décennies, dans des archives non postales a priori, mais qui contiennent des informations indispensables pour comprendre des services tenus par des étrangers, parfois sur des périodes très courtes... à peine le temps pour la presse philatélique de l'époque de les découvrir.

Cette réflexion est commune avec le troisième intervenant, Richard Scott Morel, conservateur des Collections philatéliques de la British Library, quand il présente des objets des collections nationales du Royaume-Uni : diplôme d'un grand scientifique portant un timbre fiscal de quarante shillings (cher !), une lettre supposée écrite par Jack l'éventreur,...

Des items parfaitement identifiés, catalogués pour leur importance historique, mais pas philatélique ou postale. Le conservateur d'insister sur l'importance des méta-données : cette formalisation des archivistes et documentalistes pour décrire et indexer au départ de la conservation... au risque sinon que les chercheurs suivants ne puissent redécouvrir faute de pouvoir rechercher dans le catalogue général, aussi informatisé soit-il.

Notamment pour des domaines spécialisés, que je dirais « de niche », pour lesquels la connaissance ou prise de consciences des professionnels peut manquer, vu l'immense champ des possibles face aux archivistes (et aux documentalistes dans les bibliothèques).


Justement, la numérisation d'archives a été l'objet de deux exposés, les deux pour mettre à disposition plus aisément au public potentiel, mais le but de la conservation n'est pas la même.

Éviter d'user les archives, pouvoir indexer leur contenu pour faciliter des recherches et la consultation immédiate chez soi sur un ordinateur, a été le but et les étapes du travail mené par la RPSL et des membres volontaires pour les archives de production de timbres-poste de l'imprimeur Perkins-Bacon en possession de la Société. Le processus de numérisation depuis la manutention des registres jusqu'à la livraison des fichiers a été expliqué par deux responsables de Max Communications, l'entreprise spécialisée au Royal Warrant, qui a réalisé cette tâche.

Cependant, David Beech, ancien président de la RPSL et prédécesseur de Morel à la British Library, rappelle comment Alan Druce et lui ont développé les connaissances sur cette imprimerie quant il s'est révélé que, difficiles à trouver et consulter, des archives se trouvaient également à la British Library et aux Archives nationales... alors que les chercheurs n'allaient que vers celles possédées par la RPSL, les seules dont le public avait le plus facilement connaissance grâce à l'achat et à la numérisation par l'association.

D'un autre point de vue, comment conserver les collections d'exposition compétitives qui sont, par nature, temporaires puisque le collectionneur crée un bilan de recherche philatélique, thématique, classe-ouvertiste sur un sujet donné à partir d'objets collectionnés... avant de les sortir de cet ensemble pour en revendre une partie, constituer une autre approche, remplacer par mieux, passer à tout autre chose, etc.

C'est pourquoi l'actuel président de The Museum of Philately, Simon Martin-Redman, a expliqué l'initiative de David Feldman, fondateur de la maison d'enchères éponyme, et Marcus Orsi de conserver sous forme numérisée les collections ayant obtenu une médaille Grand Or dans une exposition internationale. Devenue une entreprise non-profitable, le musée virtuel utilise ses bénéfices pour développer la philatélie dans le monde.

L'avantage du colloque-séminaire est que le public présent semble avoir répondu de manière critique au Museum of Philately. L'intérêt est vu immédiatement pour retrouver des connaissances et des objets à l'avenir ; assurer la provenance et l'histoire des propriétaires d'un objet ; la simplicité de consultation.

Néanmoins, la question de l'indexation est revenue, ce dont le président a conscience : actuellement, l'organisation vise la facilité d'accès, pas encore les méta-données de chaque item inclus dans les collections...

Personnellement, pour revenir au Sommet sur la littérature philatélique de novembre prochain, j'espère que les intervenants présents à Londres en juin s'interrogeront alors sur comment indexer les lots de chaque catalogue de vente aux enchères... Tout indexer, quels lots ? Et, questions posées au festival : la reconnaissance automatique de caractères et des logiciels d'indexation de mots sont-ils déjà efficaces ? Les deux participants de Max Communications n'écartent pas ces outils, mais signalent la constante nécessité d'une vérification humaine du travail réalisé par la machine. 


C'est ainsi que, lors de la quatrième et dernière demi-journée, Chris King seul, puis en discussion avec un panel, a insisté sur l'importance d'aller aux archives, aux sources primaires pour construire la connaissance philatélique et d'histoire postale.

Les auteurs reprenant pour argent comptant les écrits antérieurs sans vérification, mais King déplore également la difficulté à accéder aux archives principales, non numérisées ou nécessitant de trop coûteux voyages. En plus du problème de l'indexation et des méta-données.

Et là, je ne peux conseiller à ceux qui sont intéressés par ses questions à s'abonner à la revue de l'American Philatelic Research Library, qui est partie de l'American Philatelic Society, mais dont la cotisation-abonnement est dissociée : nul besoin de prendre les deux.

En effet, ce sont des enjeux permanents en archives et même en bibliothèque-documentation que le panel a évoque comme l'APRL : indexation ; durabilité des moyens de stockage numérique (autant matériels que logiciels) ; et puisqu'un représentant des archives postales britanniques était présent pour signaler ce qui pouvait intéresser les philatélistes, la nécessité d'identifier les acteurs-clés des archives sur un temps long : propriétaire [idée personnelle : le dépositaire le reste-t-il ?], conservateur, financeur [voir premiers crochets ; autres financements pérennes ?],...

Évidemment que les philatélistes, qui ont acheté des essais et tirages particuliers d'imprimeries philatéliques privées ayant liquidé leurs archives, sont heureux... Les chercheurs moins.


Pour illustrer tout cela, des articles de philatélie sociale sur les civils pendant la Seconde Guerre mondiale sont proposés dans ce numéro. Les auteurs ayant le souci de retrouver les correspondants et le contexte de leurs échanges.

Et un article de John Stimson sur l'achat grâce à deux mécènes (dont Patrick Maselis) et le dévoilement par la RPSL d'une des trois copies historiques du portrait de la Reine Victoria par Alfred Edward Chalon, dont l'original est passé de la Famille royale britannique à celle de Belgique, et est connue des philatélistes de l'Empire colonial britannique, de l'Océanie au Canada, en passant par les Indes occidentales.

L'avantage des archives et des recherches bien documentées permet ainsi à l'auteur d'expliquer comment le « Chalon portugais » est dit « portugais » et quel parcours l'a mené jusqu'à Londres.


Enfin, le deuxième cahier publicitaire est véritablement un périodique de connaissances en lui-même : le dixième numéro de The Corinphila Gazette daté août 2025, publié par la maison d'enchères allemande Corinphila.

Certes, un journal par une entreprise marchande est bien pour attirer des collectionneurs souhaitant vendre leurs biens les plus précieux, et signaler le contenu des prochaines ventes.

Néanmoins, l'activité d'édition de collections médaillées internationales en coopération avec Heinrich Köller, la série Édition d'Or ; les principales dates des cent années de la CORportation INternationale de PHIlatélie ; et les annonces de nouveaux livres spécialisés ; complètent la presse philatélique grand public.


Au final, comment conserver un linéaire de livres, catalogues, journaux, « presse publicitaire », timbres en albums et classeurs, dont plusieurs adaptés aux enveloppes, voire morceaux de colis,...

Sans parler du temps de loisir nécessaire...

Je comprend mieux pourquoi se spécialiser.


Merci à toutes les personnes, institutions et entreprises mentionnées pour cette lecture estivale qui sert de piqûre de rappel à tous, même à moi (mes articles sur la Corée doivent être bourrés d'erreurs ou de manques de recherche ; que mes libellés ne doivent pas permettre de retrouver facilement des informations ; etc :(

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