Le dimanche dix-sept janvier 2016, le marchand de timbres australien Ken Baker est mort à presque cent quatre ans, âge qu'il aurait célébré le lundi huit février. Autre pilier du négoce australien avec Max Stern, de dix ans son cadet et disparu la semaine dernière, Baker était le dernier membre vivant ayant participé à la réunion inaugurale de l'Australian Stamp Dealers' Association, en septembre 1948.
Comme pour Stern, l'importance de la personnalité sur la philatélie peut se mesurer aux marques de respect sur le forum StampBoards.com - oui, j'ai du mal à quitter la Grande Île. Lors de son centenaire en 2012, le marchand Glen Stephens aidait Baker à conter les grands moments de sa carrière.
Né le huit février 1912 à Londres et déclaré à Beckenham, alors au nord-ouest du Kent, Kenneth Stanley Baker aide, enfant, son père à confectionner des carnets de timbres pour fournir les marchands de journaux de la capitale britannique.
Profitant d'une prime d'immigration du gouvernement australien, la famille s'installe à Melbourne où le père continue son métier jusqu'à sa mort en 1951, endetté. En 1928, Ken est employé chez un marchand de livres rares où il obtient de vendre des timbres en plaçant quelques-unes de ses pièces dans la vitrine - une nouveauté alors : les marchands tenait boutique dans les étages.
Le succès aidant, il fait la connaissance des collectionneurs importants d'Australie, peut racheter la boutique et fait partie des premiers annonceurs de The Australian Stamp Monthly en 1930 - à dix-huit ans donc. Après quelques déconvenues, il reprend le négoce dans une autre librairie à Sydney en 1936, avant de s'installer en 1937 au Royal Arcade qui, avec l'arrivée de cinq autres négociants, devient rapidement l'équivalent du passage des Panoramas de Paris.
Après un passage sous l'uniforme au cours duquel sa future épouse tient boutique, il accomplit le « coup » de 1948 qui le rend célèbre : au nom de A. Jack Kilfoyle, il parvint à acheter pour sept mille cinq cents livres sterling l'ensemble de la collection australienne de T.E. Field, une dizaine de jours avant la vente aux enchères chez Harmers qui devaient la disperser à Londres, mi-novembre 1948, au nez et à la barbe des spécialistes des Kangourous et des George V du Commonwealth d'Australie au temps où les relations postales, télégraphiques et téléphoniques entre l'Europe et l'Océanie étaient lentes... et la maison d'enchères soucieuses de voir arriver au compte-goutte les offres par courrier d'Australie. L'ensemble de la collection de Kilfoyle constituée avec l'aide de Baker peut s'admirer dans le catalogue de vente établi par Robson Lowe à Londres en 1961, mais faute de trouver preneur du tout (trente-cinq mille livres de l'époque !), elle fut dispersée chez Harmers.
Il s'installe à Londres à la fin des années 1970, grande époque marchande selon son témoignage, et vend son stock en 1981 de retour à Sydney. Mais, il continue à accomplir quelques opérations à soixante-dix ans passés, voire reprend le stock de quelques collègues retraités pour finir de les écouler... Le plus vieux des marchands de timbres et la plus longue longévité dans le métier.
Le récit qu'il livre à Glen Stephens - richement illustré - sur le commerce philatélique dans l'après-Seconde Guerre mondiale jusqu'aux années 1970 fait rêver en notre temps qui donne l'impression du spleen permanent des marchands français et de la philatélie internautique : quatre cents ventes par jour, une porte verrouillée afin de s'occuper des clients déjà présents, des entreprises de vente aux enchères avec des associés-concurrents, raretés à la feuille entière vendues à de grands marchands voire aux archives du Post Office britannique, etc.
Pour ceux qui veulent creuser encore le thème des marchands de timbres australiens iront rechercher deux amis de Ken Baker : Max Cohen et Kevin Duffy.
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