mardi 2 février 2016

Stampede à Adelaide suite à une augmentation douteuse des tarifs australiens

Grâce au forum StampBoards.com, il est possible de suivre l'augmentation des tarifs postaux du lundi quatre janvier 2016, ses prémices, les railleries, et ses conséquences plus ou moins attendues. Une d'entre elles réussit même à toucher les médias non philatéliques et les sites de vente aux enchères avec des culbutes en quadruple salto vrillé de six timbres de trente cents vendus plus de mille dollars australiens. Diantre !

Pour ne pas multiplier les parenthèses : aujourd'hui, un dollar australien = 0,646 euro = 0,489 livres sterling. En 2014 au plus haut, 1 AUD = 0,60 à 0,70 euro  = 0,55 GBP (source : xe.com).


Problème simple, solution simple ?
Scène coloniale : couple de philatélistes sérieux observant stoïquement les événements timbrés d'Adelaide (Don Rosa pour Egmont et Disney).
Au départ, comme dans certains pays occidentaux (Royaume-Uni, France, Canada), la chute du nombre de lettres envoyées entraîne une politique radicale de licenciements, de croissance du nombre de comptoirs postaux tenus par des franchisés et, pour janvier 2016, une sévère augmentation du tarif postal de la lettre intérieure.

Enfin, si c'était si simple.

En effet, les contribuables australiens et leurs postiers ont du mal avec l'actuel président-directeur général d'Australia Post, Ahmed Fahour : en 2014, alors qu'il virait neuf cents employés, il était le fonctionnaire... et le patron le mieux payé d'Australie avec à peine moins de cinq millions de dollars australiens annuels, même si en 2015, il aurait renoncé à ses bonus soit la moitié de ce revenu alors qu'il avait connu les premiers exercices déficitaires de toute l'histoire de la poste australienne.


Enfin si on a deux solutions, c'est mieux, non ?
Un des dessins parmi les documents qu'Australia Post a publié pour expliquer au public (et à ses postiers et franchisés) le nouveau système (site d'Australia Post).
Le vingt-sept novembre 2015, l'autorité de la concurrence autorisa une augmentation de la lettre intérieure, passant de soixante-dix cents à un dollar... Et Australia Post, aussitôt, annonça une réforme du système des priorités, portant à un dollar cinquante cents le nouveau tarif prioritaire.

Pour faire aussi simple que le charmant dessin ci-dessus, la durée du voyage postal de la lettre dépend désormais explicitement si la destination est dans une métropole et dans quel État. Vers la métropole de l'État, l'expédition sera plus rapide que la campagne d'un autre État, s'étalant ainsi du peut-être le lendemain à une semaine. Un dollar donc, anciennement soixante-dix cents.

Mais, si vous souhaitez être sûr du lendemain, le service Express aux boîtes aux lettres jaunes et entiers postaux spécifiques à cinq dollars soixante-quinze, existe encore.

Entre les deux, le nouveau service prioritaire vous garantit un délai d'acheminement un à deux jours plus courts si vous payez cinquante cents de plus, soit un dollar et demi... Qui a dit pigeon ?

Pour l'heure, les essais postaux des participants australiens de StampBoards.com semblent indiquer une inefficacité du service prioritaire comparé au service regular... voire pire.


Pourquoi faire simple ?
Les étiquettes... timbres-poste... machins à coller pour qu'une lettre devienne prioritaire (site d'Australia Post).
Pourquoi ce relatif échec ?

De ma compréhension des débats australiens, il faut se tourner vers les timbres-vignettes ci-dessus. Australia Post n'émet pas de timbre d'un dollar cinquante car, pour rendre le service prioritaire, elle s'est équipée de machines de tri dernier cri.

Le timbre prioritaire est donc une vignette à valeur d'usage avec code datamatrix à coller à côté de l'affranchissement habituel. La lettre jetée dans une boîte rouge sera distinguée du reste grâce au code datamatrix et son traitement expéditif.

Enfin, en théorie.

Les témoignages des philatélistes vont de la postière franchisée qui ne croit pas que ce système va fonctionner, jusqu'à l'interrogation franche : avec les cinq millions de dollars cités auparavant, ne pouvait-on pas commander aux postes européennes (genre TNT ou DHL) des machines qui fonctionnent clé en main ? Il semble qu'Australia Post aurait commandé des machines diverses aux logiciels peu intercommunicants.

Autre étrangeté : les postiers ne doivent pas oblitérer la vignette prioritaire... Les encoches à l'emporte-pièce empêcheront-elles la réutilisation d'exemplaires non maculés ?


Et voilà les philatélistes qui s'en mêlent...

Premier gros accroc : alors que les nouveaux tarifs postaux doivent entrer en vigueur le lundi quatre janvier, les carnets de cinq vignettes prioritaires sont mis en vente dès fin novembre sur le site d'Australia Post au grand étonnement de postiers franchisés à qui l'opérateur a à peine annoncé la nouvelle.

Deux membres de StampBoards.com ont ainsi lancé une vente aux enchères au profit de l'Armée du salut avec une enveloppe postée le deux décembre 2015 et portant - non touchée par l'oblitération - une vignette prioritaire. Un peu d'amusement pour une bonne cause.

Par contre, combien de pseudophilatélistes-spéculateurs malhonnêtes ont-ils proposé de telles pièces aussi peu utiles que des autocollants décoratifs à des collectionneurs mal informés ?


... relayés par une direction régionale inconséquente.
Un des six timbres provisoires de trente cents du Bureau d'Adelaide émis en urgence en janvier 2016... Comme dans les bureaux coloniaux qui ne voyaient pas le bateau-ravitailleur arriver (scan de GlobalAdministrator sur StampBoards).
La situation est déjà passablement compliquée : nouveaux tarifs, nouveau service, doute sur la capacité des dirigeants actuels à gérer une industrie postale... Normalement, ça suffit déjà pour que les médias locaux se jettent sur les témoignages d'usagers mécontents.

Sauf qu'il y a la direction du Bureau d'Adelaide (GPO pour Great Post Office dans les discussions an anglais) qui a oublié de s'approvisionner en timbres de trente cents pour fournir les bureaux de la ville et de l'État d'Australie-Méridionale pour finir de vider leurs stocks de soixante-dix ou permettre aux usagers d'utiliser les leurs.

Pour parer au plus pressé, on ressortit de la naphtaline une machine débitant des timbres à la demande pour sortir sur des rouleaux de six animaux australiens datant de 1994 des valeurs postales de trente cents avec mention « Adelaide 2016 »...

...

Oui, oui. En 2016, dans un pays occidental, où la spéculation philatélique est connue des dirigeants postaux qui doivent la manier façon « timbres du désir » lors des salons philatéliques uniquement - ce à quoi servait ponctuellement la machine d'ailleurs, un directeur régional a émis des timbres d'urgence...

Publiée le dix-sept janvier sur StampBoards, la nouvelle est contée par un participant qui a découvert, le huit janvier, les timbres dans son bureau de quartier qui en limitait la vente à cause du manque de timbres de trente cents. Après enquête, il raconte que, le cinq, le GPO avait fourni les bureaux de la ville qui en avaient fait la demande avec ces timbres, qui à leur tour ont fourni les bureaux franchisés de leur zone, jusqu'au huit et l'arrivée des timbres-poste habituels.

Dimanche trente-et-un janvier, avec l'aide du même Glen Stephens qui suit bien les péripéties dans son pays, le marchand britannique Ian Billings conte l'inévitable : un lot de six timbres s'est vendu mille cinquante-et-un dollars sur eBay le vingt janvier ! Et une lettre s'est adjugée à presque mille sept cents dollars !!!


Au moins, fin janvier, les médias australiens ne s'interrogeaient plus sur le salaire du patron de la poste et j'avais l'impression de relire, plus d'un siècle après, les épisodes de timbres coupés en deux ou surchargés dans un bureau perdu où le postier attend fébrilement le prochain bateau et sa livraison de timbres neufs.


Et vingt-quatre heures de plus, le mercredi soir trois février 2016 :
Une journée australe de plus a permis une remarque sur le fil de StampBoards consacré à l'émission d'urgence d'Adelaide : parmi les six timbres, le timbre de distributeur « Famille de koala » [et pas seulement, note du dimanche sept février 2016] existait en 1994 sous deux types avec le millésime décalé. Un témoignage de philatélistes ayant pu consulter les stocks créés début janvier confirmerait l'existence des deux types.

Sur les sites d'enchères, une bulle se forme : certaines séries neuves atteignent des propositions de mille cinq cents à deux mille dollars ! La recherche des participants du forum se concentre davantage sur estimer les courriers effectivement affranchis et ayant circulé postalement sans philatéliste : le six janvier reste le premier jour connu, mais une résidente a témoigné avoir acheté ces timbres le mardi cinq et utilisé plus tard...


En fin de semaine, le samedi six février 2016 :
À présent, les membres du même fil de StampBoards suivent les ventes sur eBay ou entre marchands et collectionneurs connus localement, en essayant d'imaginer où les cotes vont se stabiliser et, même, quel serait le plan d'une exposition sur cette émission d'urgence.

Actuellement, la série de six bloque à mille dollars australiens (environ mille six cents euros), mais l'intérêt des philatélistes se portent sur les enveloppes d'origine non philatéliques oblitérées avant que la nouvelle ne soit connue, au plus près du cinq janvier donc.

Et là, une anecdote glace le sang sur le plein d'idées reçues des moldus concernant la philatélie : un membre a l'habitude de trouver son bonheur dans le courrier reçu par une association carétative (charity). Hélas, cette semaine, aucun timbre des timbres d'Adelaide...

... car un bénévole de l'association a déjà débusqué trois enveloppes les portant et décollé les timbres comme pour tous les courriers afin de confectionner les pochettes de timbres. Nombre de fois où j'ai dû accepter de ne récupérer que le coin déchiré d'une enveloppe reçue par une connaissance... soupirs...

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