jeudi 18 août 2016

L'Algérie postale de 1603 à 1851 au Collectors Club de New York

Laissons Paris et Londres pour traverser le vaste océan et atteindre la page des conférences filmées du Collectors Club de New York. Et les conférenciers semblent s'intéresser grandement aux choses françaises quand ils ne viennent pas de France eux-mêmes !

Premier visionnage : le mercredi quinze juin dernier, Kenneth Nilsestuen, président de la France and Colonies Philatelic Society*, a proposé une promenade à travers l'histoire postale « européenne » de l'Algérie des origines jusqu'à 1851, soit le début de l'emploi de timbres-poste français.

Promenade car le conférencier n'hésite pas à aider ses auditeurs à entrer dans le pays concerné : gravures du dix-neuvième siècle, photographies des années 1950 sinon, des ruelles de la Casbah d'Alger aux paysages agricoles coloniaux. Et contrairement au Musée de l'Armée aux Invalides, les affres de l'invasion et de la « pacification » sont explicitement évoquées, notamment pour la prise de Constantine.

Les marcophiles seront aux anges à partir de l'arrivée de l'expédition militaire de 1830 avec la multiplication des lettres, des marques militaires, de désinfection, d'entrées, puis des oblitérations indiquant « Possessions d'Afrique » en bas de la couronne, remplacées en 1839 par le nom « Algérie » (avec dernière date d'utilisation connue pour la première - 25 mai 1839 - et première pour la seconde - 27 août 1839).
La plus ancienne lettre européenne connue, datée de 1603 (collection Kenneth Nilsestuen, Collectors Club, New York, juin 2016).
Néanmoins, la première partie est très intéressante même si elle comprend seulement onze plis et un document pour trois cents vingt-trois ans d'histoire d'Alger et d'Oran. Pour le dix-septième siècle, la plus ancienne lettre survivante est datée d'Alger le treize juin 1603 pour Toulon, suivie de celle d'un prisonnier italien des pirates locaux écrivant en 1674 pour demander à ses proches de payer sa rançon. Entre les deux, un document rappelle la présence espagnole sur ses côtes.

Ce qui marque également nombre de lettres du dix-huitième et dix-neuvième siècle sont les marques indiquant une désinfection arrivée en France : tampon après la Révolution, mais également traces de coups de couteau, recto acidifiée par un bain de vinaigre. D'ailleurs, trois lettres à marques consulaires françaises présentées sont des rapports sur la situation sanitaire en Algérie.

Après le début de l'invasion français, les pièces collectées se multiplient de manière exponentielle et M. Nilsestuen les suit lieu par lieu, ponctué d'évocations historiques et géographiques. Et les origines vont des militaires aux civils européens (dont une lettre de 1835 de Mostaganem pour Zagreb!?), et même algériens avec une lettre de 1832 du Dey d'Alger à un correspondant à Bougie évoquant les événements militaires.
Lettre de Bône de 1830 pour un Bazille de Castelnau, près de Montpellier... Des généalogistes vont être vivement intéressés par le contenu de ce courrier au cas où (collection Kenneth Nilsestuen, Collectors Club, New York, juin 2016).

À Bône (actuelle Annaba), c'est le Montpelliérain qui plisse les yeux. Non sur l'oblitération du trente juin 1840 qui indique, explique Nilsestuen que le postier a bricolé avec les morceaux de cachets disponibles : le millésime étant trop grand pour la couronne.

Mais quel nom pour le destinataire : « Monsieur Bazille, Castenau[-le-Lez ???] / Montpellier »... Frédéric Bazille, le peintre pas encore né alors ? Son père Gaston, vingt-et-un ans, futur viticulteur important et homme politique de la Troisième République ? Aucun lien généalogique ? Il faudrait pouvoir lire le contenu.

La dernière partie sont les premiers usages des timbres Cérès de France en Algérie en 1849, avec des exemples de lettres partis de Batna, à la même époque où les premiers convois de colons débarquent en Algérie conquise (États-Unis obligent, est rappelé que c'est contemporain de la ruée vers l'or en Californie).

Les amateurs de marcophilie et de l'histoire postale de l'Algérie sous contrôle français retrouveront cette conférence sur le site du Collectors Club et sur l'hébergeur Vimeo par ici.

* : non, je n'ai pas fait exprès que la page d'ouverture du site de cette société montre un aussi statistiquement improbable grand nombre de collectionneurs de Saint-Pierre-et-Miquelon dans l'Oklahoma en 2015.

Compléments du week-end suivant :
La lettre Bazille fera très prochainement l'objet d'un petit article sur ce blog grâce à la gentillesse de Kenneth d'avoir bien voulu me transmettre des scans de son contenu.

Compléments du mercredi vingt-six octobre 2016 :
Je modifie l'annonce de la conférence d'automne sur l'Afrique coloniale français au Collectors Club. Au lieu de l'Algérie, c'est l'Afrique française à partir du Sénégal entre 1914 et 1940 par Kathy Johnson, le mercredi dix-neuf octobre. À visionner sur le site du Collectors Club ou sa page Vimeo.

Pour ceux qui ont apprécié les illustrations paysagères de Kenneth Nilsestuen, deux articles dans Timbres magazine de François Chauvin sur les cartes-lettres illustrées d'Algérie, émises par les postes dans la seconde moitié des années 1930 : sur l'artisanat indigène (numéro de juillet-août 2016) et les vues touristiques (novembre suivant).

Compléments du samedi deux octobre 2021 :
Le vingt-six septembre 2021, Kenneth Nilsestuen a une présentation en ligne sur l'histoire postale et l'histoire en général de l'Algérie du seizième siècle à 1830 aux membres de la France and Colonis Philatelic Society (États-Unis), visible sur YouTube.

Les intéressés auront une mise à jour des plus anciens courriers connus et possédés par les collectionneurs, autant Ken Nilsestuen que la fédération philatélique turque. Comme celle de juin 2016, la présentation est riche d'illustrations d'époque de l'Algérie de l'époque moderne et des problèmes de captures d'Européens par les marins locaux.

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