Un cadre sur trois jours de l'histoire postale française en Allemagne occupée
Toujours dans les soucis monétaires de l'après-guerre, Alain Milone a trouvé un sujet qui ne peut tenir qu'en un cadre puisque l'épisode en question a duré trois jours, quatre avec l'exemple illustré en photographie ci-dessous.
Lettre du vingt-quatre juin 1948 : trop tard pour écouler le stock de timbres en « anciens pfennigs » (collection Alain Milone, Paris-Philex 2016). |
Moins graves que le blocus de Berlin sur l'ordre de Staline qui s'oppose à l'unification monétaire des zones occidentales d'occupation, furent tout de même les aléas de la poste en Bade, Württemberg-Hohenzollern et Rhénanie-Palatinat (pas la Sarre, vieille envie d'annexion française, qui utilise le franc français).
Les timbres sont réémis le lundi pour correspondre à la nouvelle devise, le Mark. Mais, une tolérance est mise en place pendant trois journées : les anciens timbres peuvent être encore utilisés, seuls ou en complément des nouveaux timbres, à un dixième de leur valeur faciale.
D'où une collection plaisante et colorée de petits timbres de trois Länder avec calculs. Légende signalant une lettre commerciale pesante suraffranchie de timbres promis à la démonétisation le jeudi matin. Ou, comme ci-dessus, le postier isolant huit anciens timbres ce jeudi-là pour obliger l'expéditeur a acheté deux nouveaux timbres, les seuls désormais valables.
Grand argent et soixante-dix-huit points pour Alain Tirone, par ailleur le monsieur communication et informatique de la fédération depuis l'année dernière.
Comment traverser un océan en guerre ?
Suite à la mise en place des lignes aériennes d'Europe vers le reste du monde pendant l'entre-deux-guerres (relire l'article précédent), Patrice Trzeciak s'interroge sur la traversée de l'océan Atlantique pendant la Seconde Guerre mondiale : censures, routes à reconstituer au gré de l'évolution des événements militaires, notamment les déclarations de guerre qui s'étalent tout le long du conflit selon l'intérêt des États et des colonies. D'où le plan à la fois chronologique et par services.
Admirable est d'abord dans la présentation de M. Trzeciak est le respect des sources et du lecteur curieux : la première page comprendre une bibliographie. Mieux encore, la carte utilisée en page deux pour localiser les lignes évoquées voit son fond de carte correctement attribué.
En effet, dessiner une carte, en décalque à la main voire à l'ordinateur, est difficile, mais en trouver une dans un livre ou sur internet et ne pas en indiquer la provenance ! Cela donne, dans plusieurs collections écrites en français, des cartes en anglais, en allemand ou en polonais sans en expliquer la raison. Pour peu qu'un des jurés a été formé à la recherche, combien de petits points perdus en deux premières pages ?
Évidemment en quelques mois, je regrette de ne pas avoir lu, photographié et pris abondance de notes sur cette collection : depuis mars, j'ai une curiosité pour l'Afrique de l'Ouest britannique, notamment les liaisons aériennes connectées à la FAM22 depuis Bathurst (l'actuelle Banjul, capitale de la Gambie). En effet, dès mes achats à Paris-Philex, sans le savoir, une lecture complète me serait grandement utilé aujourd'hui. La lecture de Cameo du West Africa Study Circle aidera sûrement.
Pour cette belle collection d'aérophilatélie, M. Trzeciak a reçu une médaille vermeil... Et là, je souhaiterai vraiment que se pose la question du commentaire sportif en philatélie compétitive.
Centenaire de la Grande Guerre : de multiples sources d'inspiration
Pour aller vite car les années 1930 à 1950 m'intéressent davantage que les pourtours ayant causé la Grande Guerre, il faut saluer l'inventivité et la créativité des collectionneurs de cette dernière.
Jean-Luc Flaccus et les postes des villes polonaises : les municipalités d'une Pologne dépecée entre ses voisins autrichiens, prussiens et russes ont été occupées par la puissance rivale ou isolées par les manœuvres des différents épisodes. Dix villes, des timbres et des cachets postaux parfois éphémères, souvent sommaires pour pallier à l'urgence, voire marquer une revendication future d'indépendance.
M. Flaccus est méritant de rendre intelligible le contexte à partir de sources en allemand et en polonais, même si la carte choisie aurait besoin d'une source et d'une légende, à défaut d'une version française : quelles sont les frontières internationales et intérieures allemandes, autrichiennes et russes si une légende ne présente pas les différentes lignes ?
Une médaille d'argent en philatélie traditionnelle sur un sujet où la recherche des courriers ne doit pas être facile.
Prix de la surprise pour moi et prix spécial du jury : Raymond Loëdec en histoire postale avec « La Guerre à l'Ouest 1914-1918. Les îles dans la tourmente » ou comment les îles du littoral atlantique, leurs garnisons et leurs habitants ont vécu la guerre.
Grand vermeil avec quatre-vingt-huit points, trois points de plus qu'au championnat de France de 2014, mais sept par rapport à 2015 et l'étrange score obtenu à l'exposition de Çannakale de mars 2015, lors du centenaire de la bataille des Dardanelles, en Turquie.
Un peu de fiscal et de hors les murs : l'Alsace
En conclusion, pourquoi les guerres mobilisent-elles autant les collectionneurs ?
Car les opérations même provoquent des actes postaux entre les militaires et de leurs familles (voir la collection d'Emmanuel Le Becque et la poste d'étapes allemandes dans le Valenciennois). Les occupations et annexions pendant et après le conflit crééent de nouveaux pays ou régions philatéliques, des changements politiques autant que monétaires et administratifs que les timbres et les courriers portent sur eux.
Et que dire si on commence à lire les courriers ou à rechercher qui étaient les expéditeurs et les destinataires...
En France, une région a vécu ces effets délétères des guerres : les départements d'Alsace-Lorraine.
Lors de l'exposition Frontières, deux affiches de propagande se répondent, la flèche de la cathédrale de Strasbourg en arrière-plan (affiches allemande de 1940 et française de 1945, collections du Musée de l'Armée Invalides, exposition temporaire au Palais de la Porte dorée, novembre 2015-juillet 2016). |
L'affiche initiale a servi à la propagande anti-française des autorités nazies, de retour en Alsace. Son auteur a raconté sa version des faits par écrit pour les différents dépôts d'archives alsaciens et finalement, au quotidien L'Alsace le sept mars 2015. Ou comment un devoir artistique devient la catastrophe d'une vie pour une famille. La réponse française est placardée en 1945.
À la porte de Versailles, c'est Edmond Andrau, spécialiste des colis postaux, qui illustre, en philatélie fiscale, l'un des changements de souveraineté en Alsace avec les « bulletins d'expéditions de colis postaux d'Alsace-Lorraine dans le régime intérieur » du quinze décembre 1918 au dix-neuf juin 1940, et comment le changement s'opèrent aussi rapidement que possible.
Une première présentation grand vermeil à qui je souhaite d'obtenir un or européen comme la précédente.
Post scriptum:
Question actuelle mais non urgente : toutes les guerres ont-elles droit à autant de postérité et de mémoire en philatélie ? Les révoltes des colonisés ? Les guerres civiles des pays où l'écrit postal est peu employé ? Les conflits actuels au temps d'internet ?
Prochain et dernier épisode : bilan de Paris-Philex.
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