Cinquième semaine de l'après-démonétisation en Inde au cours de laquelle les Indiens qui souhaitent encore (ou ne peuvent faire autrement) utiliser des billets de banque au quotidien y parviendront aisément, pour la première fois depuis l'annonce-surprise du mardi huit novembre dernier du Premier Ministre.
Depuis, son gouvernement et l'opposition multi-partite s'affrontent par discours et médias interposés, chacun des camps trouvant une excuse pour ne pas le faire au Parlement. La journée de mobilisation nationale de l'opposition paraît bien loin, sept jours pourtant.
Car, depuis, le gouvernement a lancé toutes ses cartouches dans la dématérialisation des paiements du quotidien, en parallèle de lutte policière contre l'argent sale.
Toujours avec le suivi en direct de The Times of India (semaines 2, 3 et 4 par les liens).
Lundi cinq décembre : pas de nouvelle, bonne nouvelle ? Hélas non.
L'éducation par l'exemple : tous les paiements des départements du gouvernement de plus de cinq mille roupies à ses fournisseurs et bien plus, se feront par voie électronique désormais.
Les journalistes sont-ils blasés des files d'attente ? Lassé de suivre les discours ? La mort de Jayalalithaa, ministre-en-chef du Tamil Nadu après une carrière primée au cinéma dans les années 1960 et 1970, occupe les médias indiens.
Mardi six décembre : saura-t-on le devenir monétaire des campagnes ?
Non car le Times of India ne suit plus minute par minute les événements. Les anciennes nouvelles répétitives ne sont plus des nouvelles.
Vieille histoire : samedi dernier, un exercice militaire avait entraîné un vif échange entre la ministre-en-chef du Bengale-Occidental et le gouverneur de l'État, sur fond de démonétisation - la première étant foncièrement contre et les soldats ayant été le plus visible aux péages autoroutiers redevenus payants. L'armée a répondu en apportant la preuve qu'elle avait informé les autorités de l'État.
Révélée aujourd'hui, une lettre datée vendredi de l'ambassadeur de Russie à Delhi se plaignant du manque de billets de banque, empêchant ses diplomates de dîner en ville ; sérieusement qu'il ne peut donner presque rien à ses deux mille employés. En effet, les représentations russe, ukrainienne, kazakhe, éthiopienne et soudanaise trouvent insuffisantes le droit de retrait de cinquante mille roupies en billets par semaine pour les salaires et leur fonctionnement. Les employés de la Haute-Commission du Pakistan ont même refusé leur salaire face aux règles indiennes sur l'échange avec le dollar des États-Unis.
Nouvelle histoire répétitive : après l'annonce imminente des nouveaux billets de vingt et cinquante roupies, la Reserve Bank of India signale celle des nouveaux billets de cent, toujours sans démonétisation.
Mercredi sept décembre : peut-être des images des nouveaux petits billets ?
Non. À part une conférence de presse du gouverneur adjoint de la Reserve Bank of India, sans rien de bien nouveau : baisse d'un demi-point de la croissance prévue du produit intérieur brut, injection importante de billets chaque jour (donc arrêtez de thésauriser !), retour à la normale d'ici le trente décembre, et non, la décision de démonétiser a été mûrement réfléchie et pas improvisée.
Jeudi huit décembre : dématérialisation ! En avant toute !
Aujourd'hui, le ministre des Finances a annoncé onze mesures pour inciter les Indiand à utiliser des moyens de paiement sans pièce, ni billet :
Les entreprises publiques vont accorder des ristournes si paiement digital :
- 0,75% pour les carburants,
- 8 à 10% sur certaines polices d'assurances,
- 10% pour les abonnés des péages des autoroutes nationales,
- et les clients de ces entreprises ne paieront pas de frais supplémentaire sur ce type de paiement. Le gouvernement invite les États fédérés à faire de même dans leurs services publics.
- Les banques publiques doivent plafonner à cent roupies par mois le coût de la location d'un appareil de paiement digital pour convaincre les petits commerces de participer.
Le gouvernement délaisse certaines ressources fiscales.
- Pas de taxe de service pour les transactions dématérialisées de moins de deux mille roupies.
Du côté des transports ferrés.
- De même, une ristourne de 0,5% sera en place à partir du premier janvier prochain pour les abonnements mensuels et au-delà aux trains de banlieue pris en ligne. De plus, tous les tickets de train achetés en ligne seront couverts gratuitement par l'assurance-voyage ; et les voyageurs bénéficieront de 5% de réduction pour les services partenaires (hôtels, restaurants, etc.) achetés ainsi.
Et dans les campagnes ?
- Installation de terminaux de paiement dans des commerces et coopératives agricoles dans les villages pour permettre aux agriculteurs de payer sans espèces leurs fournitures.
- La Banque nationale de développement agricole et rural va fournir des cartes de paiement et retrait du système RuPay, alternative indienne à Mastercard et Visa, à des milliers de ruraux et adaptés à leurs besoins.
Sinon, pour la quatrième fois de la semaine, comme presque chaque jour depuis la démonétisation, les services fiscaux ont insisté qu'ils analysaient tous les dépôts en banque de grosses quantités d'anciens billets pour vérification des revenus déclarés.
Côté cirque politicien, les deux chambres du Parlement ont reçu un sermon du président de la république Pranab Mukherjee : « Faites votre travail », pendant son discours sur la défense du pays. Depuis le début de la session hivernale, le seize novembre, le gouvernement et les partis d'opposition jouent la provocation, les suspensions de séance autour de la question de la démonétisation. Ça n'a pas empêché un incident de séance quand le speaker de la Chambre du peuple a refusé d'accorder la parole à un député du parti du Congrès à ce sujet...
Vendredi neuf décembre :
Jour tranquille si l'on en croit le Times of India : les ministres en charge des finances ont expliqué comment leurs services et la Reserve Bank of India gèrent l'approvisionnement en billets des campagnes et que contient un rapport sur les difficultés rencontrés par les ambassades et les touristes étrangers depuis la démonétisation. Et leur collègue des technologies de l'information de publier les taux de croissane à trois voire quatre chiffres de l'utilisation des différents moyens et réseaux de paiement dématérialisé depuis le huit novembre.
Mais, à la Cour suprême, le représentant du gouvernement a chaud aux fesses malgré son annonce que 80% des billets démonétisés ont été récupérés : les juges veulent savoir s'il y a un plan de la démonétisation, avec prévision des billets à remplacer et de quelle manière, et se voir présenter une archive datant d'avant l'annonce télévisée du huit novembre au soir. Les juges paraissent estimer que le gouvernement a sous-estimé le nombre et la valeur des billets que les Indiens allaient échanger. Autre requête : que le gouvernement fixe le montant qu'un client de banque peut retirer en espèces, en le faisant correspondre avec ce que les banques peuvent vraiment fournir (en fonction de ce que la banque centrale leur remet) au lieu de forcer les banques à gérer la pénurie elle-même.
Samedi dix décembre : La presse reprend du poil de la bête...
... grâce à un week-end de trois jours en Inde - lundi, les musulmans sunnites fête la naissance du Prophète. Les files devant les banques de la capitale et les villes d'Uttar Pradesh existent toujours. Les agences ne reçoivent qu'un cinquième des billets nécessaires et les distributeurs automatiques se vident à grande vitesse. Trois jours sans banques ouvertes donc.
Quelques témoignages recueillis dans tout le pays montrent de petits commerçants, un chauffeur de taxis, et même un temple pour les dons, s'être convertis aux applications téléphoniques de paiement ou au paiement par carte bancaire. Certes, nécessité du client sans billets de petite valeur fait loi, mais ils témoignent d'un confort qu'ils auraient souhaité bien avant : petits paiements pris sans avoir à disposer de la monnaie pour les réparations du serrurier, pourboires pour la masseuse, rapidité du paiement pour le taxi,... Aux portes rurales de la ville, une banque coopérative a fait créer une application de paiement pour aider ses clients (presque tous les habitants du village).
Cela suffira-t-il pour convertir un milliard d'habitants et les grossistes de leurs commerçants ? Ou ceux qui espèrent continuer à cacher leurs revenus en billets de deux mille roupies désormais.
Autre moyen d'adapter son petit commerce : se faire payer en billets du pays des touristes ! Dans la ville sacrée de Varanasi (Bénarès), les canotiers acceptent bon gré, mal gré ce que les touristes ont. D'abord par politesse commerciale, ensuite car les touristes sont aussi limités en roupies que leurs hôtes. Par contre, ces travailleurs dépendent des propriétaires des bateaux qui vont changer les billets étrangers.
Le bras de fer continue donc : le gouvernement parviendra-t-il à injecter assez de billets et convertir suffisamment d'Indiens à la dématérialisation avant les premiers scrutins prévus dans quelques États fédérés début 2017 ?
Dimanche onze décembre :
Les anciens billets de cinq cents roupies ne sont plus acceptés pour payer les transports publics par bus, tramway, trains ou les billets d'avion. Néanmoins, ils peuvent payer un repas à bord des trains jusqu'au jeudi quinze décembre. Miam !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire