lundi 30 juillet 2018

Un timbre, un pays : il faut tricher pour la Bosnie-Herzégovine

La collection « un timbre, un pays » paraît simple à mettre en œuvre et permet de papillonner à travers le monde et les cultures... tant que l'on ne se pose pas de questions existentielles.

Quels timbres ? est une question simple malgré le choix immense pour de nombreux pays : une thématique appréciée, un symbole national ou le plus beau que l'on trouvera.

Qu'est-ce qu'un pays ? demanderait, en géopolitique, en système postal et en philatélie, des articles entiers de règles affirmées et d'exceptions confirmantes. La réponse la plus simple : la liste du catalogue mondial de timbres dont on dispose.

Certains poussent même à la précision historique : Est-ce qu'un régime politique change un pays ? Voire économique : Qu'est-ce qu'une devise monétaire montre de l'évolution d'un pays ? Les catalogues de timbres signalent en effet ces changements.

Restons simple : « un timbre, un pays » à partir des timbres actuels.

Sauf que, dès la lettre B, arrive la Bosnie-Herzégovine.

Et là, comme la lettre A comme Allemagne n'a pas déjà fait son œuvre - une seule Allemagne unifiée -, la philosophie « un timbre, un pays » va éclater à la figure de l'innocent qui se posait peu de questions : actuellement - non, l'annexion austro-hongroise, pas dans cet article -, la Bosnie-Herzégovine, c'est un pays, un État fédéral, deux États fédérés et un territoire, trois opérateurs postaux à l'implantation territoriale très marquée.

Ainsi, quand un ami annonce qu'il va faire une tournée adriatique de la Croatie au Monténégro en passant par Sarajevo, et qu'il me demande s'il me ramène des timbres... la réponse est plus complexe que d'habitude : « Rentre dans tous les bureaux de poste qui n'ont pas le même logo. »

Et ce fut fait le printemps dernier (merci Tommy), mais sans timbre de la République serbe de Bosnie et de sa poste.
Deux timbres de la BH Pošta de 2015 et 2016.
Donc, dans la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine... qui n'est pas le pays Bosnie-(et-)Herzégovine, mais qu'une partie de celui-ci, à majorité croate et musulmane (au sens de nationalité yougoslave de ce terme)... mais avec des habitants serbes aussi (d'où un canton nommé par un numéro... pour ne vexer personne ?) imposant ce nom à celui des années 1990 de Fédération croato-musulmane... en sachant que pendant la Guerre de Bosnie, ces populations n'ont pas toujours été alliés au niveau de leurs dirigeants intérieurs ou voisins...

Reprenons, dans la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine, on trouve des bureaux de BH Pošta et ses timbres libellés du nom de l'État fédéral en grand et de la Fédération fédérée en-dessous, plus le logotype de l'opérateur.

Reste une interrogation liée à la complexité culturelle de la région : les perforations permettant de retirer le Père Noël du timbre de 2016 visent-elles à permettre aux fidèles de chaque religion d'ôter ce personnage laïque ?
BH Pošta a localisé ses bureaux sur Google Maps.
Si vous avez la patience des calques et des retoucheurs d'images, à l'aide de la localisation des bureaux fournis par l'opérateur, vous pouvez reconstituer la carte politico-ethnique de la Bosnie-Herzégovine si on estime que BH Pošta dessert les localités à majorité musulmane et celles suffisamment mixtes.

Car, en effet, les Croates de Bosnie semblent préférer HP Mostar, en entier, et ce, depuis la division meurtrière du pays en 1993 : Hrvatska Pošta Mostar, la Poste croate de Mostar.
Deux timbres de HP Mostar de 2016.
Sur les timbres, la poste croate indique le nom du pays et ajoute la Fédération en forme abrégée : FBiH ou « Federacija BiH ».

Une église, un ange... Hasard du choix des timbres par le postier pour un touriste étranger ? Ou dominante religieuse du programme philatélique croate ?

Enfin, dans l'autre partie fédérée de la Bosnie-Herzégovine, en République serbe de Bosnie, c'est Pošte Srpske (Poste serbe) qui officie depuis 1992.

Tandis que dans le district de Brčko, grand port fluvial du nord du pays, les Nations unies ont imposé l'administration fédérale pour permettre aux trois peuples de profiter de ce lien vers l'Europe danubienne. Pas de poste ou de timbre particulier, à part les bureaux des trois opérateurs du pays.

Les ravages du nationalisme... Petit à petit, il apparaît que l'État fédéral parvient à fusionner des compétences régaliennes à son niveau : la défense dès 2005, la police en 2010. La division postale se jouant sur un secteur économique concurrentiel, elle perdurera sûrement.

La philatélie bosniaque montre donc toute la richesse culturelle du pays... mais divisée entre ses entités fédérées et ses postes.

Reprenons du début : « un timbre, un pays » ou « un timbre, une poste » ?

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