Commandé à un libraire britannique grâce au marché en ligne AbeBooks (filiale d'Amazon... nul n'est parfait) et lu en août, ce travail est remarquable par l'ensemble des archives britanniques et françaises, mais aussi écossaises, états-uniennes et suisses, consultées, et mises en un récit agréable à lire rappelant le contexte géopolitique et militaire très difficile de la France de Vichy, État ni totalement neutre, ni totalement allié de l'Axe.
La couverture de l'ouvrage. |
À sa lecture, on peut être stupéfait de la grande liberté dont les soldats britanniques coincés en zone libre ont pu bénéficier : certes, le gouvernement de Vichy les loge rapidement au Fort Saint-Jean de Marseille, mais avec une telle liberté de circulation... que certains résident « en ville », qu'ils peuvent communiquer des nouvelles à leur famille par l'intermédiaire d'un pasteur écossais, recevoir de l'argent par l'entre-mise du consul des États-Unis...
... voire quitter la France pour rejoindre le Royaume-Uni et reprendre le combat !
La liberté est en effet telle que les officiers britanniques peuvent, avec des civils alliés ou rémunérés de la Côte d'Azur, de Provence, du Languedoc et du Roussillon, organiser de véritables filières de passage vers l'Espagne, où après un jeu de papier entre la police franquiste et l'ambassadeur britannique, ils atteignent Lisbonne ou, plus souvent, Gibraltar. Des navires militaires, repeints à chaque sortie, assurent des amenés d'espions et des rapatriements de ces soldats depuis les plages de l'Aude et des Pyrénées-Orientales.
Le lecteur est rapidement amené à penser que si les nazis avaient dédié davantage de temps à encadrer la France et le continent, et, entre autres, à enfermer les soldats britanniques, au lieu de se focaliser sur l'invasion de l'Union soviétique ou l'extermination des juifs, l'histoire de l'Europe aurait été fort différente.
Par contre, le récit montre la lente évolution des mentalités au sein du régime de Vichy et de ses généraux : à force de reproches allemands, les soldats britanniques sont internés dans une ancienne caserne à Saint-Hippolyte-du-Fort, dans les Cévennes gardoises. Las, entre la gentillesse de l'officier français et les droits de sortie, les évasions se multiplient... tant et si bien que c'est le blocage français des rapatriements médicaux qui limite l'hémorragie - l'officier supérieur britannique du camp étant le premier sur la liste des départs suspendus.
Le durcissement devient bien réel quand la petite troupe est transférée au Fort de la Revère, entre Nice et Monaco... au grand dam de l'Italie. Grâce à l'ingéniosité des internés à repérer les angles morts et la complicité de Monégasques et de Niçois, de nouvelles disparitions vers l'Espagne ont de nouveau lieu. La menace italienne est telle que l'aventure française se termine au camp de Chambaran, en Isère, après une courte étape dans le Lyonnais. Là aussi, malgré une discipline française plus affirmée, quelques évasions ont lieu.
On pourrait croire que la vie fut belle pour ses soldats et aviateurs britanniques de 1940 à 1942, mais Richardson rappelle, autant que leurs témoignages à leurs supérieurs à Londres ou dans leurs mémoires personnelles le permettent, que beaucoup d'entre eux ont réussi à fuir depuis les poches du Nord - Dunkerque notamment - ou de la zone interdite, à échapper aux Allemands avec l'aide de la population locale et à passer la ligne de démarcation avant d'arriver à Marseille ou les camps suivants.
Les aviateurs alliés, par les informations qu'ils obtenaient et leurs compétences meurtrières, étaient particulièrement recherchés par l'armée allemande tandis que la Royal Air Force espéraient leur retour. Ils donnent de fausses identités et de faux corps d'armée aux autorités françaises.
L'auteur évoque l'arrivée au camp des survivants échappés du raid de Dieppe, en août 1942... en soulignant l'échec meurtrier de l'opération. Les souvenirs des civils visitant les internés signalent le profond désarroi d'un officier pilote, survivant de Dieppe et possesseur d'informations sur les défenses allemandes, mais incapables de trouver un moyen de rejoindre les Pyrénées.
Le livre porte sur ceux qui ont atteint l'internement en zone libre et met en lumière le parcours de ceux qui ont mis en place les filières d'exfiltration vers l'Espagne, mais, en creux, se lit l'anonymat des soldats tués pendant la débâcle de mai-juin 1940, de ceux qui ont buté sur Dieppe et de ceux prisonniers de guerre en Allemagne.
Si l'objet du livre se clôt avec le départ des soldats et officiers britanniques vers les camps de prisonniers de guerre en Italie, Richardson consacre son dernier paragraphe au devenir des civils qui ont aidé dans toutes les zones françaises... et, pour la plupart, la mort tomba sur eux.
En collectionneur, Derek Richardson reproduit dans son livre quelques courriers symboliques de l'étude : entier postal interzones (il ne faudrait pas que l'on écrive des messages au dos des timbres-poste collés), enveloppes avec marques de censure entre les internés et leurs familles, télégrammes du pasteur avec sa hiérarchie en Écosse, monnaie de camp.
Les généalogistes des îles britanniques retrouveront des listes des internés, et des petites biographies pour ceux qui reçurent récompenses ou médailles selon la manière dont ils menèrent leur retour vers leur patrie.
Un ouvrage court, mais efficace.
Référence du livre :
- pour l'édition britannique : ISBN 1-904959-00-8,
- pour l'édition états-unienne : ISBN 1-58690-012-9.
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