mercredi 17 juillet 2019

Collectionner ou savoir (2) : de l'archéologie

Suite des réflexions posées le lundi quinze juillet 2019.

Depuis le vingt-trois février et jusqu'au deux septembre 2019, le musée archéologique Henri Prades (avec programme par ici) accueille une exposition, Torques et compagnie, qui permet de découvrir un siècle d'archéologie dans le département de la Marne, à partir des collections du musée d'archéologie régionale d'Épernay, actuellement en travaux.

Portant le nom de l'archéologue autodidacte et directeur d'école qui a étudié le site dans les années 1960, le musée Henri Prades se trouve à Lattes, au sud de Montpellier. Il jouxte le site de Lattara, port lagunaire antique fondé par des Étrusques au sixième siècle avant Jésus Christ et en activité jusqu'au troisième siècle après. De récentes fouilles préventives sur les hauteurs de Lattes ont révélé l'existence d'un gros bourg gaulois, apparemment lié à l'existence de ce port étranger.

L'intérêt de l'exposition Torques et compagnie dépasse les objets présentés : torques (collier ouvert de métal), vase, etc. Des panneaux de tissus présentent comment les archéologues de la fin du dix-huitième jusqu'au milieu du vingtième ont travaillé les sites marnais et en ont tiré des connaissances sur la vie des populations antiques.

Quelques citations participent du questionnement philatélique et marcophile, présenté sur ce blog avant-hier : collectionner le beau ou ce qui apporte des savoirs ?
« Objets de vitrine souvent sans état civil » : fouiller pour ne garder et montrer que les objets jugés beaux de nos jours, sans conserver le lieu, la position, l'origine de l'objet...

La recherche demande des sources. Ces sources demandent des documents. Un document est une trace dont on connaît le plus précisément possible le contexte de création et d'usage.

« Ne se sont point préoccupés des vases brisés » : les premiers archéologues, et de là, les paysans qui trouvaient des vestiges dans leurs champs, ont ignoré les objets brisés ou jugés insignifiants.

Sauf que l'exposition montre un intrigant vase en forme de canard... recollé car retrouvé en morceaux dans une tombe.

Pire : l'essentiel des premières trouvailles étaient des tombes et des nécropoles ; le monde des vivants ayant pu être réutilisés ou, matières organiques, ont disparu.

Comment connaître l'ensemble de la vie des hommes et femmes d'une époque en n'observant que les objets trouvés intacts plus de deux mille ans après ?

En philatélie, cela résonne : timbres abîmés, neufs sans gomme, à oblitération imparfaite, lettres actuelles, faux pour tromper, etc. etc. Tous à jeter ?

#Jesuisundesdeux


Et voilà comment les archéologues du vingtième siècle ont révolutionné leur discipline : s'intéresser à tout et faire des hypothèses.

L'introduction de l'exposition signale que les terres de Champagne étaient bien plus vallonnées et fertiles qu'actuellement : outre la modernisation, de bonnes terres ont au gré des événements naturels recouverts la région. Retiré ces bonnes terres noires a permis de retrouver les couches géologiques précédentes et les vestiges anciens.

Notamment, ces excavations creusées dans l'Antiquité qui ne sont ni belles, ni transportables sur une étagère de collectionneur !

Certes, l'hypothèse de Brisson et Loppin est sûrement éronnée : ces excavations ne sont pas les restes des habitats d'alors ; plutôt des lieux de stockage et de dépôts de déchets. Mais, au moins, leur erreur étant fondé sur des relevés précis,...

... la connaissance peut être reprise, vérifiée et améliorée.

Des expositions, qui montrent les vestiges autant qu'elles expliquent comment la science autour d'eux a évolué, j'espère en voir très souvent.

Des collections, qui montrent les timbres et courrier autant qu'elles expliquent comment la philatélie et l'histoire postale autour d'eux, ont évolué, j'espère en voir très souvent.

Aucun commentaire: