dimanche 24 janvier 2021

Cartographie victorieuse à dangereuse en Azerbaïdjan

Note : l'auteur de cet article, toujours inquiet des conflits dans le monde et des victimes qu'ils causent, exprime ici une opinion sur une image, mais aucunement sur la situation géopolitique complexe de la région évoquée.

Depuis les dernières années de l'Union soviétique, la situation de la partie majoritairement peuplée d'Arméniens de la région du Haut-Karabagh est tendue, guerrière, et ce fait, sujet à une communication de propagande de la part des deux États reconnus par la communauté internationale, Arménie et Azerbaïdjan, et une république auto-proclamée d'Artsakh.

Oblast autonome au sein de la République socialiste soviétique d'Azerbaïdjan de 1923 à 1991, la région est intégrée au système administratif azéri et, de là, proclame son indépendance et vivait sous protection de l'Arménie après une guerre de 1991 à 1994 qui a conduit à l'expulsion des autres habitants environnants dans le morceau sud-ouest de l'Azerbaïdjan.

La guerre de septembre-novembre 2020 a établi la situation que revendiquait l'Azerbaïdjan depuis les années 1990 et qu'un timbre inclus dans un feuillet a représenté le dix décembre 2020.

Timbre de la victoire, émis le dix décembre 2020 (site officiel de la poste azérie).

Dessiné par Vugar Eyyubov, ce timbre est une réussite de communication à destination de l'opinion publique nationale, et aussi, à destination des autres États : l'armée azérie (avec le soutien de la Turquie) a libéré le sud-ouest du pays, partie représentée par le drapeau flottant.

Le même dix décembre, si le message était incertain, il fut écrit en anglais sur un timbre : « Le Karabagh est l'Azerbaïdjan ».

Le message est clair (site officiel de la poste azérie).

Pour ceux qui doutaient que le timbre avait encore une valeur politique : ce n'est pas parce qu'en Europe de l'Ouest le collectionneur complétiste est une « vache à lait » d'une entreprise postales aux abois de la concurrence mal organisée, que d'autres gouvernements en ont oublié la valeur pédagogique à destination du pays et du monde : je rapprocherai ces deux timbres azéris aux premiers jours d'émission en présence du président iranien en pleine crise sanitaire en mars 2020, du premier ministre indien, etc., etc.

Cependant, depuis le trente décembre 2020, une nouvelle émission victorieuse de la poste azérie pose immensément plus problème pour la réputation du pays.

Alors, certes, la situation de la partie arménienne du Haut-Karabagh est loin d'être pacifiquement résolue : des troupes russes stationnent dans l'ancien oblast pour garantir le cessez-le-feu, l'Unesco s'inquiètent des destructions du patrimoine local par vengeance, etc.

Le feuillet complet de cinq fois deux timbres résumant l'année 2020 vécue par l'Azerbaïdjan (The Calvert Journal, douze janvier 2021 - image désormais introuvable sur le site de la poste azérie).

L'avant-dernier jour de 2020, furent émis deux timbres, repris cinq fois chacun sur un feuillet. Le mix de deux photographes : un soldat pour rappeler les risques pris dans la guerre et un personnel de nettoyage des espaces publics contre le covid-19. Le deuxième timbre illustrant cette double action par deux photographies de la désinfection et du déminage.

La comparaison guerre contre les Arméniens / guerre contre la maladie est... à débattre, mais non explicite.

Par contre, le choc chez des Arméniens et leurs soutien fut dans l'image-titre du bloc-feuillet : un personnel de désinfection évacuant la verte contamination du sud-ouest d'une carte du pays vers l'Arménie...

En histoire, devant un public comparer l'autre à la maladie à éradiquer n'a jamais été réalisé sans conséquence désastreuse. Et oui ! J'accepte mon point Godwin !

Voilà pourquoi - manque de réflexe de ma part - je reproduis le feuillet à partir de l'article du site d'information de l'ancien espace soviétique, The Calvert Journal, dont la rédaction se trouve au Royaume-Uni avec des correspondants dans les quinze républiques.

En effet, ces derniers jours, Azermarka, la poste azérie, a retiré de son site d'annonces des émissions toute référence à cette carte nettoyée : seuls les deux timbres sont visibles. Et son site de vente, gérée par la poste centrale de Bakou, ne propose actuellement aucun des timbres liés à la victoire au Karabagh. Seul, un timbre de 2019 célébrant la reprise des collines de Lalatapa, lors de combats en 2016, est proposé.

Est-ce le temps de mettre en ligne le stock ou de le réserver au public national ? Ou alors, en ne le proposant pas largement aux collectionneurs étrangers, la poste azérie préfère-t-elle éviter une plainte d'un État auprès de l'Union postale universelle ? Les collectionneurs français se souviennent de l'effet sur le gouvernement algérien du timbre français en hommage aux harkis, en 1989.

Depuis le centenaire de la Première Guerre mondiale, les collectionneurs peuvent découvrir comment la guerre et les nationalismes ont bouleversé violemment et pour quelques décennies la carte de l'Europe et du Proche-Orient... La dislocation des États multinationaux yougoslave et soviétique en apportent d'autres exemples tout aussi dramatiques.

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