samedi 11 juillet 2020

La philatélie de Trieste et de l'Istrie n'est pas close

Le site d'information philatélique italien Vaccari News annonce un programme philatélique chargé ce lundi treize juillet 2020 en Slovénie, avec pour point commun : trois anniversaires d'événements liés au contrôle de la ville de Trieste et de la péninsule de l'Istrie.

Cette zone est stratégique depuis longtemps. Pour les États italiens successifs, c'est l'enjeu du contrôle de la mer Adriatique. Côtés slovène et croate, ce sont les accès à la mer Adriatique, et de là à la Méditerranée, de l'empire d'Autriche et du royaume de Hongrie jusqu'aux États yougoslaves actuels.

Au terme de la Première Guerre mondiale, l'ensemble de la région autrichienne du Littoral, et donc de l'Istrie, revient à l'Italie et c'est la question de Fiume (Rijeka en Croatie), à la frontière sud-est, qui anime les nationalistes.
Centenaire de l'incendie du Narodni Dom à Trieste, timbre de Marko Prah, émis le treize juillet 2020 (site web de la poste slovène).

Cependant, le premier timbre slovène de juillet 2020 rappelle qu'à Trieste, la ville est également multi-culturelle. Il y a cent ans un incendie détruit le Narodni Dom. Cet hôtel servait également de centre culturel et de théâtre pour les Slovènes de la ville.

Le onze juillet 1920, des combats de rue meurtriers ont lieu entre une foule croate et des marins italiens, en escale, à Split. Le treize, en représailles, des nationalistes et des fascistes brûlent le Narodni Dom à Trieste.

L'institution du théâtre slovène de Trieste ne disparaît pas, mais est interdit pendant le régime fasciste, avant de reprendre ses activités après 1945, et dans un nouvel édifice en 1964. Pour découvrir son histoire.
90 ans de l'exécution des héros de Bazovica, timbre de Borut Bončina, émis le treize juillet 2020 (site web de la poste slovène).

Deuxième timbre, deuxième souvenir tragique de l'impossible coexistence pacifique sous le fascisme mussolinien : l'exécution des héros de Bazovica.

Dans les années 1920, l'État fasciste mène une politique d'italianisation de la Marche julienne - la région italienne issu du Littoral autrichien acquis après-guerre : interdiction de l'usage des langues slaves, fermeture des institutions culturelles, interdiction des noms et prénoms slaves, etc.

En réaction, en 1927, des jeunes Slovènes au nord et quelques Croates d'Istrie s'organisent en une organisation insurrectionnelle : le TIGR, des initiales des grandes villes et régions - Trieste, Istrie, Gorica (Gorizia en italien), Reka (Rijeka en croate). Soutenu par la Yougoslavie et les services secrets britanniques, ils pratiquent le terrorisme contre des dirigeants, fonctionnaires et officiers italiens. L'OVRA fasciste anéantit le mouvement en 1940-1941.

Après un attentat contre un journal italien, à Trieste en février 1930, plusieurs cellules du TIGR sont découvertes. Le timbre rappelle la mémoire des quatre premiers membres jugés, condamnés à mort et exécutés à Bazovica (Basovizza, toujours en Italie de nos jours), dans l'arrière-pays de Trieste.

Après 1940, les TIGR survivants rejoignent les Partisans, la résistance yougoslave, tandis que les forces italiennes commettent des crimes de guerre en Slovénie. Après-guerre, le régime communiste de Tito surveille ces survivants et leur participation à la résistance est publiquement cachée jusqu'aux années 1970.

Soixante-quinze ans des timbres d'Istrie - Littoral slovène, timbre sur timbre par Marko Prah, émis le treize juillet 2020 (site web de la poste slovène).

Le troisième timbre parvient au début de la période de la résolution territoriale autour de Trieste, de l'Istrie et de ceux que la Slovénie nomme Littoral slovénien.

Les philatélistes connaissent l'État libre de Trieste, établit par le Conseil de sécurité des Nations unies de 1947 à 1954, avec un découpage issu des zones d'occupation militaire et annonçant une potentielle division : zone A sous administration alliée et civile italienne autour de Trieste, zone B sous administration yougoslave. Carte que le timbre représente.

Dès août1945, des timbres était émis dans la zone d'occupation militaire yougoslave : en mai 1945, l'architecte Miroslav Oražem reçoit la commande de ces timbres pour remplacer au plus vite les timbres de la République sociale italienne surchargée.

Il produit deux séries, imprimées d'abord à Ljubljana, puis à Zagreb et Belgrade :
- quatre timbres en août 1945 : raisins, âne d'Istrie, château de Duino (actuellement en Italie) et un laboureur avec un bœuf Boscarin, avec premier jour d'émission au bureau clandestin de la grotte de Postjona ;
- six timbres en décembre 1945 : reconstruction des villages, bateaux de pêcheurs devant les arènes de Pula, le lieu de naissance de Vladimir Gortan, un banc de thon, le pont Solkan, et la branche d'oliviers repris sur le timbre de juillet 2020.

Ce site permet de faire le point sur les timbres connus pour la période de 1945 à 1947, dans les deux zones, ainsi que celui-ci.


Si la situation de Trieste est pacifiée depuis que l'Italie et la Yougoslavie reconnut leur frontière par le traité d'Osino en 1975, l'éclatement de cette dernière dans les années 1990 a relancé le souci de tracer les frontières et d'établir une histoire nationale pour les acteurs internes, ici la Slovénie.

Une preuve pour la relation Slovénie / Italie : Vaccari News remarque que les cachets premier jour des deux premiers timbres indiquent le nom de la ville de Koper en italien : Capodistria.

Si les deux premiers rappellent les tragédies vécues par les Slovènes face au fascisme, le troisième timbre peut être lu de plusieurs manières à l'égard de la Croatie.

Certes, il y a, pour la poste slovène, la fierté de montrer avec cette branche d'oliviers le premier timbre (imprimé à Ljubljana) utilisé sur l'ancien Littoral autrichien, en train de devenir la Slovénie occidentale ou Littoral slovène - à mettre en parallèle avec le Verigar de 1918.
La situation maritime en baie de Piran, dans les années 2010 (création hébergée sur la base documentaire Commons de Wikimedia, sous licence Creative Commons by-sa 3.0).

Néanmoins, la carte des zones, si elle a un intérêt historique, rappelle que le partage slovéno-croate de la zone B est une affaire récente... Voire actuelle : les deux États ne parvenant pas à s'entendre sur leur frontière maritime dans la baie de Piran.

La continuité des centenaires des conséquences de la Grande Guerre et l'approche du centenaire de celles de la Seconde Guerre mondiale multiplient ces occasions de timbres mêlant les territoires passés et actuels des États européens,... interprétés plus ou moins bien par les voisins selon le tact ou l'actualité.


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