Un vaste sujet, et confus quand il faut à la fois sanctionner les délinquants détruisant des biens, mais aussi réenseigner leurs contempteurs qui confondent l'Histoire (celle qui s'est déroulée), l'histoire (celle que les historiens parviennent à reconstituer avec les traces disponibles) et la mémoire : ce que les Français, les politiciens et les intellectuels-éditorialistes veulent bien en retenir selon l'air du moment.
Le timbre du centenaire de la bataille de Mayssaloun, émis le vingt-quatre juillet 2020 (site de la poste syrienne et découvert grâce au site Philatelic Pursuits). |
Débats où les arguments actuels se confrontent, au grand dépit des maires de bonne volonté (tel celui de Fort-de-France pris de vitesse en pleine consultation sur le sujet), des historiens et des philosophes. Par exemple, l'argument qu'il faut maintenir les statues parce que, selon les critères de l'époque du personnage, ce que la mémoire de certains lui reprochent était légal et légitime il y a un, deux, cinq siècles.
Et pourtant, la France du « roman national », des « aspects positifs de la colonisation » et du relativisme de la traite atlantique opposée en valeur morale aux traites arabes et intra-africaines, cette France-là est aussi capable d'oubli quand ça l'arrange.
Alors que pendant cinq ans, de juin 2014 au onze novembre 2018, la Mission du Centenaire a réussi à intéresser la Nation aux mémoires de la Grande Guerre (1914-1918), sa mission n'a visiblement pas porté sur les leçons à retenir de la période de retour à la paix... qui pourrait éclairer pourtant l'Europe et le Bassin méditerranéen d'aujourd'hui.
Les soldats français toujours mobilisés dans les Balkans, les territoires soumis à plébiscite ou contre la Russie bolchévique ? Les jeunes sous les drapeaux envoyés occupés la Ruhr et la Rhénanie (un de mes arrière-grands-pères) ? Les conflits entre États sur les nouvelles frontières (voir les anniversaires commémorés en Slovénie) ? Les conséquences à court, moyen et long terme des traités ?
Justement, heureusement que les mémoires arabes du Proche-Orient et celle du régime de Bachar el-Assad... Oui, malgré un pays en guerre civile depuis 2011, la poste syrienne continue ses programmes philatéliques, donc son œuvre de propagande.
Le vingt-quatre juillet 2020, la France a oublié de commémorer une victoire militaire et la mémoire de quarante-deux de ses soldats tués lors de la bataille de Mayssaloun. Après plusieurs trahisons diplomatiques, la France envoyait une armée à la conquête de Damas afin d'imposer le mandat français de la Société des nations au royaume arabe de Syrie, créé sur l'ensemble du Proche-Orient méditerranéen à partir des territoires occupés par l'Entente grâce à la révolte arabe suscitée contre l'Empire ottoman.
Un beau moment de colonialisme de notre histoire, mais aucune voie ne porte le nom de cette victoire en France, ni celui du général en action sur le champ Mariano Goybet.
Par contre, les nationalistes arabes (oui, les concepts européens de nation et nationalisme s'exportent bien au dix-neuvième siècle) ont retenu la bataille et la trahison des promesses franco-britanniques. Ajoutez à cela les découpages territoriaux mandataires et le plan de partition de la Palestine en 1948... Ça fait un beau baril de poudre de causes lointaines.
Cet exemple d'oubli national (Hé, Le Figaro : un centenaire militaire tout de même !) montre qu'il est possible d'oublier l'histoire - merci aux historiens de la conserver dans des ouvrages de recherche. Il est dommage de se la faire rappeler par un dictateur sanguinaire.
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