vendredi 19 février 2021

Un feuillet tronqué en Azerbaïdjan

 Note : l'auteur de cet article, toujours inquiet des conflits dans le monde et des victimes qu'ils causent, exprime ici une opinion sur des images, mais aucunement sur la situation géopolitique complexe de la région évoquée.

Tout s'était bien déroulé jusqu'en décembre 2020. L'armée azérie avait obtenu entraînement, matériel et soutien de pays proches (Turquie, fournisseurs israéliens) tandis que les dirigeants arméniens ne semblaient pas se préparer à une attaque d'envergure dans la région disputée du Haut-Karabakh, où une guerre s'était conclue, en 1994, par l'indépendance auto-proclamée d'une république d'Artsakh et l'évacuation forcée des habitants des montagnes alentours.

Du vingt-sept septembre au dix novembre 2020, l'Azerbaïdjan est parvenu à reprendre les territoires au sud de l'Artsakh. La prise de Choucha, au centre de la république non reconnue, conduit le premier ministre arménien à accepter un cessez-le-feu sous l'égide de la Russie, à l'effroi des Arméniens non préparés par une médiatisation de propagande.

Timbre sur enveloppe premier jour du dix décembre 2020 : lever du drapeau sur le sud-ouest repris.

Depuis, en Azerbaïdjan, le gouvernement communique fréquemment sur des éléments de cette victoire : trophées de guerre exposés, accueil de l'allié turc avec émission philatélique de remerciement, et, donc, plusieurs émissions de timbres le dix décembre 2020.


Graphiquement, le travail de Vugar Eyyubov est excellent en termes de messages et de symboles. Ci-dessus, le retour du drapeau national sur la partie du pays occupée depuis 1994, imprimé en Belarus. Ci-dessous, imprimé par les PTT turques, le paysage de la région reprise recrée le drapeau national... tout en évoquant le drapeau de l'allié turc ?

Un message en anglais au monde, sur fond de paysages symboliques des montagnes du Karabakh. Le message en azéri apparaît sur la marge de la feuille de dix timbres.

Et puis advint l'annonce d'une émission pour remercier les soldats et personnels médicaux azéris pour une année 2020 de sacrifices, entre déminage des régions reprises et lutte contre le covid-19.

L'émission Azerbaïdjan 2020 telle qu'annoncée en décembre 2020 par la poste azérie.

Découverte au détour des quelques médias qui ont relayé la colère d'Arméniens et de membres de la diaspora arménienne, j'ai évoqué, mi-janvier 2021, cette image en haut du feuillet, comparant les Arméniens à une maladie à éliminer... et une mise en page des timbres graphiquement peu plaisantes, et pourtant, du même illustrateur.

La question était : la poste azérie allait-elle tenir compte de ces réactions ?

Je signale que les émissions de la victoire et celle du trente décembre 2020 furent mises en ligne sur la boutique de la poste de Bakou et sa boutique sur eBay dans la seconde moitié du mois de janvier, en deux étapes.

Je l'ai commandé en deux fois donc... avec des lettres recommandées arrivées le samedi treize et le jeudi dix-huit février (comptez actuellement deux semaines en recommandé entre Azerbaïdjan et France). Voici le feuillet tel qu'il est illustré sur les deux boutiques et envoyé aux acheteurs - note : on peut commander la paire seulement - :

Le feuillet tel que reçu après une commande à la poste de Bakou.

Pas d'illustration sommitale, pas de sommet du tout d'ailleurs. Seuls quatre diptyques sont envoyés. On remarquera que trois segments de perforations sont apparus à gauche du feuillet par rapport à la photographie initiale.

En attendant que des archives postales et gouvernementales azéries parviennent aux historiens et philatélistes, que s'est-il passé ?

Le feuillet complet a-t-il été mis en vente localement - avec le premier jour initial reprenant la même illustration, il apparaît dans deux journaux télévisés aézris repris par Azermarka sur son compte Twitter (ici et ) ? Distribué à des officiels ? La solution de détacher vaut-elle pour l'ensemble du tirage ?

Zoom sur les dents déchirés : le haut du feuillet semblait bien être du papier blanc.

Ce choix fut-il lié aux quelques réactions étrangères avant qu'elles ne fassent tâche d'huile dans des médias plus importants ? Y a-t-il eu une réaction interne au pouvoir exécutif azéri : ne pas ternir l'image du pays qui s'est décrit comme victime depuis 1994 et comme rétablissant la justice en 2020 ? Fut-elle aidée par une action diplomatique d'une puissance intéressée à éviter une relance du conflit ?

En effet, la Russie est fortement impliquée dans les conséquences de l'accord du dix novembre, pour les cinq prochaines années : une force de paix pour garantir le cessez-le-feu sur la ligne de front autour de l'Artsakh non conquis, assurer la libre circulation entre Haut-Karabakh et Arménie (corridor de Latchin), ainsi que le contrôle douanier sur le corridor entre Azerbaïdjan et Nakhitchevan.

La troisième de mes enveloppes recommandées d'Azerbaïdjan depuis mi-janvier.

Dans tous les cas - imaginaires dans l'état des connaissances -, le scandale débutant a permis, en coupant l'image dérangeante, d'économiser l'usage de grandes enveloppes. En effet, le site de Bakou signale toujours le format du feuillet entier (18 x 20 cm) pour un usage apparemment constant d'enveloppes de 16,5 x 25 cm à chacune de mes trois commandes...


Si la philatélie est un revenu pour la poste azérie et le ministère de la Communication, on remarque qu'il y a donc plusieurs États qui se servent du timbre pour porter des messages à usage interne ou international.


Et la philatélie de l'Artsakh ? Le collectionneur peut se tourner vers le dernier numéro du mensuel français Atout timbres (n°268 du quinze février 2021, en kiosque) qui contient un article de trois pages sur la philatélie du Haut-Karabakh indépendant (1993-2020) ou la collection de courrier d'Éric Contesse sur Mon Blog timbré.

Il faudrait suivre l'actualité locale (à partir de médias artsakhiotes, arméniens et azéris) pour savoir où en sont les systèmes postaux au nord et au sud de l'Artsakh... même si les habitants doivent avoir bien d'autres soucis que d'envoyer du courrier.

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