samedi 7 août 2021

Beaux bois, échanges et trésors : la Cité de l'économie à Paris

 Le titre ressemble à celui de l'article sur le musée de la Monnaie de Paris, les deux lieux présentant des similitudes grâce à une muséographie jouant à la fois sur un lieu patrimonial, une interactivité importante et un accent marqué sur des collections « précieuses », bien entendu des pièces de monnaie et des billets de banque.

La Cité de l'économie, ouverte au printemps 2019 dans le dix-septième arrondissement de Paris, est issu d'un mécénat et d'une propriété de la Banque de France. L'hôtel Gaillard a été de 1923 à 2006 une succursale de la banque centrale française. Ce bâtiment a été bâti dans le dernier quart du six-neuvième siècle par le banquier grenoblois Émile Gaillard dans un style néo-Renaissance, ce qui fait de l'architecture, des décorations intérieures en bois et du toit visible depuis l'exposition temporaire une visite en soi.

La façade de l'Hôtel Gaillard, à Paris (photographie sous licence Creative Commons CC BY-NC 4.0).

Le visiteur aura les premiers questions sur les échanges et la monnaie dans les pièces de travail d'Émile Gaillard : antichambre, bureau personnel, salle d'eau,... et qu'il poursuivra dans ce milieu cosy de parquet, murs de bois foncé.


Côté économie, ce n'est donc pas un musée : l'appellation « Cité » comme pour la Cité des sciences et de l'industrie insiste bien sur le fait que les visiteurs vont découvrir, apprendre et agir dans ce lieu. Par thème progressif, avec l'aide de vidéos de présentation, de bornes interactives, mais aussi d'un guide, le visiteur ira de la nécessité des échanges, du rôle de la monnaie entre les acteurs de ces échanges, du fonctionnement du marché, avant d'approfondir vers les courants de pensée et les débats sur les causes et conséquences des perturbations et des régulations de l'économie.

Installation artistique : fabriquer un grille-pain à partir de rien = extraire les matières premières (parties basses), fabriquer les moyens de les transformer (le plateau), assembler l'appareil, etc. Inclus : des pièces de monnaie.
À l'arrière-plan, la décoration de l'hôtel telle que prévue par son propriétaire originel. 

On est loin du collectionneur achetant, triant, étudiant et rangeant ces pièces, billets, timbres, tableaux, etc. Surtout que la première grande œuvre de la Cité est la décomposition d'un grille-pain : l'artiste ayant cherché à produire lui-même à partir de matières premières les composants et le montage de l'appareil... D'un point de vue prix, il vaut mieux le faire faire par les acteurs miniers et industriels. Pour la mise en scène, les matériaux sont aussi montrés dans d'autres usages dont les pièces de monnaie pour le nickel.

Un conseil de visiteur solo : n'hésitez pas à réserver une visite guidée même individuelle, le lieu est propice au questionnement, à tel point, que les dernières salles sur la gestion des complexités économiques (courant, perturbations, régulations) sont de plus en plus vides... mais sûrement pour permettre à des petits groupes face à un panneau explicatif de débattre de ce qui est présenté : comment certaines institutions peuvent-elles réguler le marché pour éviter des crises ?, etc. C'est la salle des guichets qui sert à cette partie-là : on y voit davantage des lycéens répartis en groupes discuter et échanger que des visiteurs épars se questionnant seul face aux rares panneaux.

Et le personnel de la Cité en a conscience puisque son site web propose de nombreux documents et activités, dont Les Leçons d'écomonique liées à chacune des parties de l'exposition permanente.


En famille ou entre amis, la récompense de ces efforts de réflexion sera la salle des coffres, cadre de la salle des trésors numismatiques. Là aussi, comme au Musée de La Poste, l'habitude est que l'employé de la boutique de souvenirs/librairie interroge les visiteurs sur leur ressenti : la salle des trésors semble passionnée certains à tel point qu'elle motive à elle seule l'achat de forfait annuel pour des enfants.

D'ailleurs, soyez prévenus : les vitrines des pièces et billets sont à hauteur d'enfants... Imaginez la rangée du bas d'une exposition philatélique.

Tellement de choses à voir dans la salle des trésors... Voici une partie des monnaies du monde hors les monnaies métalliques. Sur le niveau bas des vitrines : photographie prise au téléphone portable debout et je ne suis pas un basketteur professionnel.

Néanmoins, de l'Antiquité et de toutes les parties du monde (monnaies coulées du Maroc, bêches, sapèques et lingots de Chine pour ne citer que les métalliques)  jusqu'aux impressions de sécurité actuelles des billets en euro, la salle des trésors propose par l'interactivité de réviser la frappe monétaire, l'évolution des presses pour les monnaies autant que les presses rotatives pour les billets.

Un des outils de création monétaire exposés : une presse de Nicolas Thonnelier, mue par la vapeur, installée en 1845 à la Monnaie de Paris. 

Au fur et à mesure se déploie sur les tables d'activités une petite histoire du rôle des métaux précieux, notamment l'or entre Afrique subsaharienne et Europe, l'argent entre Amérique et Europe... et logiquement apparaissent aux côté des monnaies européennes contemporaines les monnaies des colonies françaises (« L'art français du billet ») - sur lesquelles je reviendrais grâce à un ouvrage récent en cours de lecture. À la fois un écho des salles précédentes et une ouverture à un musée de l'histoire des colonisations et exploitation des mondes naturels et humains du seizième siècle à nos jours.

Mais aussi, à partir des pièces, les réformes monétaires depuis celle de Charlemagne unifiant le denier d'argent dans son empire, aux plus problématiques des rois Philippe le Bel, Louis XIV et Louis XV, faisant varier le contenu de métal précieux à l'avantage de la Couronne.

Exposition par thématiques dans le décor de l'ancienne salle des coffres.

Pour les collectionneurs, notamment débutants vue la hauteur des vitrines..., cela inspirera des rangements par régions du monde, époques, métaux, et même thématiques ! Un côté de la grande salle des coffres propose de s'intéresser aux choses, animaux et métiers gravés. Très didactique pour éviter une focalisation sur la seule valeur d'achat et revente.


L'exposition temporaire actuelle, l'économie capitaliste des années 1970 à nos jours à travers la bande dessinée Largo Winch créée par l'auteur belge Jean Van Hamme, illustre le souhait de la Cité de l'économie de toucher le public le plus large possible pour l'éduquer et le faire s'interroger sur l'économie actuelle. Elle est ouverte jusqu'à fin 2021.

En début d'exposition, liant exposition permanente et exposition temporaire, un moyen d'échanges de monnaie : les premiers droits d'auteur de Jean Van Hamme en 1968.

Le lecteur y retrouve des scènes mémorables remis en contexte de la discipline ; le collectionneur repèrera les éditions épuisées des romans initiaux, ainsi que des dessins originaux ; le géographe et l'architecte seront interrogés sur le rôle du gratte-ciel et du quartier central d'affaire dans le capitalisme ; etc.

Les toits de l'hôtel Gaillard depuis la salle d'exposition temporaire en juillet 2021 (montage de deux photographies sous licence Creative Commons CC BY-NC 4.0).

Pour les passionnés de l'architecture et de l'aménagement de l'hôtel Gaillars, l'exposition temporaire permet de découvrir les toits grâce à une baie vitrée.


Le complément en aval du musée de la Monnaie de Paris - l'argent n'étant pas une fin en soi -  et un peu en dehors du Paris touristique : 1 place du Général Catroux dans le dix-septième arrondissement de Paris, à cent mètres environ du Parc Monceau et de la station de métro Monceau sur la ligne 2.

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