vendredi 15 mars 2024

La famille royale n'oublie pas la lettre de Noël

 Je l'avais publié sur les réseaux sociaux, mais pas sur le blog : une image du deuxième message de Noël du Roi Charles III du Royaume-Uni, le vingt-cinq décembre 2023, avait un aspect postal.

Lors d'une manifestation de l'Avent, les enfants du pince et de la princesse de Galles poste leur lettre de Noël (capture du discours de Noël du Roi).

Il fallut de la patience des dirigeants de la BBC britannique, puis du World Service et de membres de la Famille royale pour que George V accepta le premier message annuel en 1932. Son fils, George VI puis Elisabeth II continuèrent la tradition marquant l'après-midi du Jour de Noël au Royaume-Uni et plusieurs pays du Commonwealth, avec le passage à la télévision depuis 1957 et internet désormais.

Le suivi sur quelques années des messages de la Reine a montré sa chrétienté, les liens familiaux - photographies variant selon les anniversaires, événements ou disparitions de l'année passé, mais aussi l'optimisme des activités des Britanniques et des habitants du Commonwealth visités par les différents membres de la Famille Windsor.

Surtout, fidèle, la Reine citait toujours des épisodes bibliques pour marquer des valeurs... qui, disons, pouvaient manquer à plusieurs de ses Premiers Ministres. Charles III honorant le rôle vital des bénévoles et des volontaires dans un Royaume-Uni ruiné par les conservateurs depuis Thatcher...

Revenons au postal et à la magie de la lettre de Noël : quelle soit laïque au Père Noël, ou religieuse souhaitant bonheur à celui qui la recevra.

Le vingt-cinq décembre 2023, pendant le chant choral en fin de message, quelques images montrent la famille de William, prince de Galles, et de sa femme Kate, lors d'une messe à Westminster Abbey, le huit décembre précédent.

La presse expliqua la nouveauté de ce service de l'Avent : disposer des boîtes aux lettres devant l'abbaye afin que les enfants de la bonne société londonienne créent des lettres de souhait à envoyer à d'autres enfants au Noël plus difficiles.

lundi 11 mars 2024

Carte postale de La Mecque "Made in Japan"

 Trouvée dans les archives papier qu'un brocanteur spécialisé dans des meubles, vaisselles et cristal achète également aux particuliers ou familles vidant les souvenirs d'une vie, cette carte postale de La Mecque, en Arabie saoudite, assez particulière par son mode d'impression.

Vue de La Mecque, carte postale fort striée à la photographie.

La carte ne fut pas utilisée et si elle appartient à un ensemble où j'ai pu me servir d'autres éléments, elle pourrait faire partie de souvenirs de voyage au Maghreb dans les années 1960-1970.

Au premier plan, une foule de fidèles accomplit un des rites du pèlerinage à La Mecque en faisant sept fois le tour de la Kaaba, l'édifice recouvert de soie noire. À l'arrière-plan, la ville elle-même et les reliefs au-delà, et entre les deux, les bâtiments et deux des minarets de la Mosquée sacrée. Le nombre de tenues blanches indique la densité de pèlerins.

Sauf qu'au scanner, cette image est horrible et à l'appareil photographique, elle est striée verticalement et horizontalement car...

La même carte mais une deuxième vue !

... c'est une carte à double vue en plastique, une carte lenticulaire. En l'inclinant, le regard perçoit un autre angle de vue de la circumambulation des pèlerins, avec les deux mêmes minarets et le même immeuble moderne.

Au dos, rien sauf ces informations légales.

Au dos de la carte, une marque déposée (R) et un copyright (C).

À gauche, Toppan a probablement fourni le support à double vue. L'entreprise japonaise, imprimerie fondée en 1900, s'est diversifiée dans des matériaux de décoration : au moment de sa production, ce genre de cartes postales doit être le top de l'époque.

De nos jours, la passion éphémère des timbres lenticulaires d'il y a quelques années ont montré les progrès de la méthode d'impression : plusieurs images reproduisant un geste complet sur la petite surface d'un timbre-poste.


Une recherche sur le moteur Google pour Wonder Co., Tokyo ramène énormément de cartes postales de ce type, lenticulaire, stéréo, en trois dimensions.

La datation demandera des connaisseurs des cartes Wonder Co. et des spécialistes de l'urbanisme mecquois : la croissance du nombre de pèlerins et le développement économique et géopolitique de l'Arabie saoudite ont bouleversé ce paysage depuis plusieurs années. Et déjà, sur cette représentation, le grand nombre d'immeubles hauts indique une sortie du « tiers monde ».

mardi 5 mars 2024

Charles III et les haies : greenwashing ou sincérité environnementale ?

Rappel des épisodes précédents

Le six mai 2023, Charles Mountbatten-Windsor a été couronné roi à Londres après son avènement à la mort de sa mère, la Reine Elisabeth II, le huit septembre 2022.

Le feuillet du couronnement de Charles III, émis par Royal Mail, en mai 2023.

Dès la fin de la période de deuil, médias généralistes comme forums philatéliques se sont interrogés sur l'apparition du nouveau souverain sur les objets habituels de la souveraineté britanniques, notamment les monnaies, billets et timbres-poste.

Le monogramme de la machine à affranchir du bureau de poste du palais de Buckingham fut mis à jour dès le vingt-sept septembre ; présentée le trente septembre et mise en circulation le huit décembre 2022 la première pièce de monnaie commémorative a devancée la série d'usage courant de quelques jours aux illustrations annoncées mi-octobre ; et, en dernier, le timbre d'usage courant montré le huit février 2023 pour une émission le quatre avril suivant.

Les véritables futurs billets à l'effigie de Charles III exposés au Musée de la Banque d'Angleterre (photographie de Jack Blackburn du Times, vingt-sept février 2024).

Enfin, depuis le vingt décembre 2022 et la face royale des billets de banque, les imprimeurs préparent les stocks du premier des billets qui seront mis en circulation le cinq juin 2024, annonce du vingt-et-un février 2024 de la Bank of England. Néanmoins, les visiteurs du musée de celle-ci peuvent déjà admirer les quatre billets lors de l'exposition Le Futur de la monnaie qui ouvre ce mercredi vingt-huit février.


Charles III et l'environnement enrichissant

Revenons en septembre 2022 quand l'ancien Prince de Galles rappela ses visions environnementales et qu'il ne souhaitait aucun gaspillage de timbres-poste, de monnaie ou de billets de banque.

Bien évidemment, qu'un prince Windsor ait cette préoccupation, née une cuillère royale dans la bouche, avec les revenus du duché de Cornouilles - des propriétés foncières dans toute l'Angleterre, des revenus placés et même les biens des défunts sans héritier !

...

Si le cinq avril 2023, The Guardian révélait comment la Reine avec le Duché de Lancaster et le Prince de Galles avec le Duché de Cornouailles ont multiplié leurs fortunes et revenus, le vingt-trois novembre suivant, c'est le principe de bona vacantia qui était dévoilé au public. Dans les deux fiefs historiques, le souverain et son héritier reçoivent les biens des personnes sans héritiers quant c'est le trésor public qui a ce rôle ailleurs dans les quatre Nations...

Certes, en lisant les révélations, des articles anciens ou récents, en sachant l'inhumanité des politiciens conservateurs britanniques et des milliardaires allergiques à la solidarité sociale, il vaut peut-être mieux être le locataire ou le propriétaire d'un logement tout en louant le terrain du Roi ou du Prince de Galles. Ainsi, dernièrement, le prince William a annoncé la construction de logements sociaux dans des villages ruraux de Cornouailles, et, sous la reine, de petites entreprises de tourisme ont été fondées au profit privée de la reine certes, mais au moins, ce n'est pas de l'argent parti à Londres au risque de rester dans les régions votant conservateurs...

Féodalo-bourgeois au pire, paternaliste au mieux. Démocratique, pas vraiment, mais la démocratie parlementaire britannique a de l'asthme depuis Margaret Thatcher.


Charles III et l'environnement en philatélie

Au milieu de tout cela, la Royal Mail a donc bien fait de faire apparaître le cameo royal pour la première fois sur l'émission spéciale dédiée aux fleurs du jardin, émise le vingt-trois mars 2023, une des passions du roi.

L'émission Garden Flowers de mars 2023.

Mais, aviez-vous remarqué que cette passion apparaissait également et intimement sur un des timbres du Couronnement ?

Soutenabilité et biodiversité, un des quatre timbres du Couronnement de Charles III, émis en mai 2023.

Gravé sur bois par Andrew Davidson à partir du travail du studio Atelier Works, les thèmes des quatre timbres constituant le feuillet auraient été choisis par le roi lui-même : le Couronnement représentant la continuité et la tradition ; la diversité et la communauté à travers les religions présentes au Royaume-Uni ; le Commonwealth of Nations dont la Reine avait obtenu des autres membres que son fils soit son successeur en tant que chef symbolique ; et soutenabilité et biodiversité.

Un timbre vert avec tous les éléments du greenwashing (éco-blanchissement ou écologie de façade), penseront les mauvaises langues : travail des champs et de l'élevage, village à peine dérangé par un train électrique, collines cultivées ou laissées en forêt, oiseaux vivant librement et se nourrissant d'insectes et de vers, etc.

Pas vraiment mes souvenirs de Londres ou de la ville de Liverpool s'étalant en pavillons mal isolés...

Mais, surtout, très britannique ou français d'avant les années 1950, de larges haies et des bosquets d'arbres en marge du champ labouré ou du pâturage des bovins...

Le prince de Galles établissant une haie horizontale (source et date inconnues, trouvée par un participant du forum StampBoards).

... car Charles a au moins une forme de sincérité pour certainss formes d'aménagements ruraux, même si on imagine que l'essentiel du travail de ses Duchés successifs sont réalisés par des fermiers non nobles.

Sur le timbre, au premier plan à gauche, un homme est en train d'établir une haie en hedge laying, typique des îles Britanniques. La Wikipédia en français me conduit à l'article haie vive tressée attribuée là au Pays basque. Il tient dans sa main un outil typique de ce travail, un billhook, sorte de serpe plus droite que celle du druide Panoramix dans Les Aventures d'Astérix, et au manche suffisamment solide pour servir de marteau d'appoint.

Attention : un urbain va tenter d'expliquer de l'horticulture.

Apparemment, à partir d'arbres fins, on va les forcer à pousser vers une horizontale, maintenus par des piquets espacés. Au milieu de tout cela, l'arbre aura ses feuilles, des graines d'autres végétaux poussées par le vent ou déféquées par des animaux pourront y être stoppées et poussées ; des insectes et des animaux s'y installés en marge des champs cultivés ou des prairies d'élevage pour lequel la haie servira de barrière sans user de fils de fer barbelé.

Pour revenir à la philatélie, certains ont regretté que le bloc comprennent deux tarifs différents : deux timbres de première classe intérieur et deux de 2,20 livres sterling. Le public aurait-il plus célébré le couronnement avec quatre timbres première classe voire un des quatre timbres émis en carnets ou en feuilles ? Royal Mail a-t-elle apprécié des ventes sans usage sur courrier ? Sûrement.


Charles III, un modèle non démocratique, mais un modèle tout de même ?

Depuis plusieurs mois, la colère monte chez les agriculteurs d'Europe et aussi dans plusieurs pays du monde en lien avec les importantes fluctuations des prix et des productions réalisées : si ce n'est une guerre qui nuit au commerce des surplus, c'est un extrême météorologique qui nuit à toute une saison de culture... Des extrêmes désormais suffisamment répétitifs pour une prise de conscience du changement climatique ?

Quand j'étais lycéen, le cours de géographie sur la Politique agricole commune évoquait l'actualité européenne d'alors de subventionner les agriculteurs pour l'entretien du paysage au-delà des seules aides à la production d'une Europe auto-suffisante.

Bilan de l'échec : cet entretien qui comprend le retour des haies - maudit remembrement productiviste (et même des témoins, alors enfants dans les années 1950-1960, se souviennent des terreurs d'alors parmi leurs proches) - est vécue comme une malédiction par la majorité des exploitants actuels en France.

Le média indépendant breton Splann !, repris par le média de l'écologie Reporterre, raconte ce vingt-huit février 2024 « Pourquoi les agriculteurs n’aiment pas trop les haies »*, entre définitions administratives complexes, indemnisations méprisantes, rentabilité à tout prix face aux industriels et, espérons que c'est rare, haine de l'environnement non apparemment productif ?


Charles est-il à l'agriculture ce que le greenwashing est à l'industrie des hydrocarbures ? En attendant, une partie de ses passions vont dans la bonne direction... Son fils William sera-t-il aussi inspirant dans le domaine de l'environnement ?

Disons-le de suite, aucun des dirigeants français actuels ne m'inspirent autant que Charles III pour mener une transition agricole...


* Nolwenn Weiler et Yann-Malo Kerbrat (Splann !), « Pourquoi les agriculteurs n’aiment pas trop les haies », Reporterre, 28 février 2024 ; lien web.

dimanche 3 mars 2024

Histoire postale non manuscrite chez les Incas

  Dans le numéro daté décembre 2023 de Stamp Magazine, John Wright sort des sentiers battus de la philatélie (1840-...), de l'histoire postale pré-philatélique (fin du Moyen Âge européen-1840), et même des écrits (IVe millénaire avant J.C.), en partant de l'autre côté de l'océan Atlantique avant que les conquistadores espagnols et portugais, puis les colons anglo-saxons, ne ravagent les civilisations amérindiennes.

La couverture de Stamp Magazine : l'article qui nous intéresse est en bas à gauche...
...
J'ai dit: EN BAS !!!
#thématiquenichon a encore frappé

Wright conte le rôle du khipu dans le passage de messages au sein de l'Empire inca qui était très long et multilinguistique : des ensembles de quelques à plusieurs milliers de cordes - parfois de couleurs différentes - à base de laines de lama, sur lesquelles étaient réalisées des nœuds différents à des emplacements variés.

Sûrement des éléments comptables puisque les chercheurs ont déterminé un usage de nombres en base décimale, probablement des messages mais le code n'a pas encore été déterminé.

Exemple de khipu au Musée Machu Pichu de Cusco (photographie Pi3.124, via Wikimedia Commons).

Les messagers, chasquis, correspondent au coureur à pied connu de nombreuses civilisations, sans la perche tenant le courrier au sec - faute de papier...

Représentation d'un chasqui dessiné par un conquistador au seizième siècle (via la base documentaire Commons de Wikimédia, auteur signalé par John Wright).

Un conquistador a laissé un dessin de chasqui annonçant son arrivée au coureur suivant avec une conque, rappel des liens entre les littoraux de l'océan Pacifique et les plateaux andins. Les relais postaux étaient diposés le long des routes avec le nécessaire du repos pour les chasqui.

Wright rappelle les différentes formes de routes dans l'Empire inca à l'arrivée des Espagnols : pavé de grandes pierres pour la plupart ; de sable ou de terre tassés dans les zones désertiques. Les chemins étaient aménagés à travers les reliefs : escaliers dans les montagnes, dépierrés sur les pentes plus faibles, etc. Et les connus ponts de corde pour la traverser des rivières encaissées, dont les cordes principales étaient à remplacer chaque année par les communautés locales comme elle devait entretenir les relais des chasquis.


Ne comprenant pas ces messages, utilisés même dans les villages où un nœud défait était refait d'une autre manière, les conquistadores tentèrent d'interdire leur usage. Mais, citant le Professeur Sabine Hyland, l'usage de chasqui entre localités péruviennes s'est poursuivi jusqu'au début du vingtième siècle.

La compréhension des khipus se perdit progressivement, même s'ils servirent pendant la révolte de 1783 au nez et à la barbe des autorités coloniales.

De nos jours, les khipus sont portés par les élus de certains villages péruviens comme preuve de l'ancienneté de leur lignage. Dans les Andes, certains défunts sont enterrés avec une version simple de khipu, imaginé comme prières et chants pour l'au-delà.


Et il semble rester tant de choses à découvrir : au début de l'article, Wright signale les dernières recherches scientifiques. Les plus anciens exemplaires connus dataient du neuvième siècle de notre ère, mais un khipu a été découvert dans une pyramide sur le site de Caral, qui pourrait avoir quatre mille ans.


À défaut de pouvoir en collectionner, les philatélistes et historiens postaux pourront occuper leurs enfants et petits-enfants avec un nouveau système de code et message aux prochaines vacances, avant de passer aux codes de César, encres sympathiques et autres positions de timbres-poste.

samedi 2 mars 2024

Deux graveurs en une de The American Philatelist d'octobre 2023

 En octobre 2023, The American Philatelist, la revue de l'American Philatelic Society, a mis en une le travail des artistes du timbre, notamment la gravure.

Couverture du numéro de septembre 2023 de The American Philatelist.

 Après son article principalement sur les styles de Martin Mörck publié dans The London Philatelist de décembre 2022, Armağan Özdinç approfondit grâce à plusieurs photographies avec le graveur prises par Truls Mörck, notamment la réalisation d'une épreuve avec une presse à levier hydraulique fournie par la Banque centrale de Norvège.

By Mörck : si vous le voyez, achetez-le !

Il poursuit, toujours nombre d'image des timbres et des étapes de leur genèse, avec plusieurs thématiques philatéliques de Mörck : portraits, navires et espace polaire. L'auteur rappelant que l'excellent livre-entretien By Mörck de Jon Nordstrøm reste la référence biographique.

Matthew Healey propose à un lectorat principalement nord-américain un article sur le Français Pierre Gandon, illustré de ses réalisations coloniales, d'usage courant et de grands format après l'Occupation et l'État français de Pétain.


The American Philatelist fait partie des avantages de l'adhésion à l'American Philatelic Society, sans plus pour la version en ligne (35 dollar des États-Unis par an) et accès aux archives, avec frais de port pour la version imprimée (65 USD au-delà du Canada). Dans le numéro ici présenté, trois grands autres articles étaient proposés, dont un dans une série éduquant aux différents modes de vente de type enchères, ainsi que des colonnes mensuelles.

Depuis quelques années, la publication propose un thème de deux ou trois articles chaque mois, avec des numéros spéciaux trois ou quatre fois par an. Pour le dernier trimestre 2023, ce fut celui de novembre sur les liens intimes entre philatélie et numismatique.