mercredi 5 avril 2017

L'abondant courrier des Citoyens du monde en 1948-1949

Ce matin, il fut question quelques instants de timbres-poste comme preuves de la diffusion internationale d'un mouvement politique après les deux Guerres mondiales, dans l'édition de ce mercredi cinq avril 2017 de La Fabrique de l'histoire, diffusée sur la radio publique France Culture, avec les historiens Stéphane Dufoix et Sylvain Boulouque.
Un fantasme de collectionneurs du vingt-et-unième siècle : le courrier affranchi reçu d'une association suscitant l'engouement (Actualités cinématographiques, 20 janvier 1949, via l'Institut national de l'audiovisuel).
Dans une semaine consacrée à « L'histoire des mondialisations », la discussion du jour a expliqué le mouvement des Citoyens du monde de son lancement à ses nombreux essaimages à la fin des années 1940. Un de ses prolongements transforme la provinciale Cahors (alors quinze mille habitants) en Cahors Mundi, « ville citoyenne du monde » et lieu d'enregistrement des « citoyens du monde » à l'initiative de l'instituteur et résistant Robert Sarrazac.

Mondialisation est donc compris dans un sens large, celui de la diffusion globale d'idées et de mouvements visant à réformer l'organisation politique mondiale. Par-delà celle de la division internationale du travail et de la finance des (trop ?) grandes directions économiques.
Garry Davis dictant le contenu d'une lettre à une bénévole à Paris en janvier 1949 (Actualités cinématographiques, 20 janvier 1949, via l'Institut national de l'audiovisuel).

Le mouvement connaît une grande publicité en 1948 quand l'ancien pilote de guerre Garry Davis annonce renoncer à la citoyenneté des États-Unis. Le dix-neuf novembre suivant, Sarrazac (ou Pierre Bergé) et lui interrompent les débats de l'Assemblée générale des Nations unies au palais de Chaillot à Paris, le dix-neuf novembre 1948 - extrait diffusé en tout début d'émission (à revoir sur le site de l'Institut national de l'audiovisuel).

Ils proclament une déclaration « au nom des personnes non représentées [par celle-ci] » et en accusant les États souverains d'être une menace permanente de relance d'une guerre totale. Et d'appeler à l'instauration d'un gouvernement mondial avant que ce ne soit une assemblée du peuple du monde qui se lève pour l'imposer.

Cette déclaration dite d'Oran doit ce nom à la participation d'Albert Camus à sa rédaction, illustrant la popularité du mouvement mondialiste chez les écrivains.
Un panneau des pays du monde à partir des enveloppes timbrées reçues par Garry Davis en janvier 1949 (ctualités cinématographiques, 20 janvier 1949, via l'Institut national de l'audiovisuel).
C'est après cet épisode que les animateurs Anaïs Kien et Emmanuel Laurentin placent un reportage des Actualités cinématographiques françaises du vingt janvier 1949, visible sur le site de l'Institut national de l'audiovisuel : Davis occupe une dizaine de chambres de l'Hôtel des États-Unis, boulevard du Montparnasse à Paris, où des secrétaires bénévoles et lui enregistrent les Citoyens du monde qui lui écrivent de tous les pays.

Longue file d'enveloppes, panneaux des pays recensés, gros plan sur des courriers britannique, canadien, indien et états-unien. Un peu de philatélie dans notre monde de Facebook Like et de Tweet Share, rapidement noyés dans un fil chronologique à descente rapide et malcommode à explorer.

La situation actuelle montre qu'il y a loin avant un gouvernement mondial, voire même d'une simple entente internationale sur les problèmes globaux : tant que les Pékinois ne voient pas tousser leurs enfants ou que les électeurs occidentaux n'ont pas à payer leurs factures chirurgicales rubis sur l'ongle, à quoi bon débattre de développement durable pour tous.

À Cahors, l'enregistrement des Citoyens du monde et l'élan mondialiste se poursuivent.

Dans la semaine des mondialisations de La Fabrique de l'histoire, ne pas oublier d'écouter l'historien Pierre Singaravélou raconter comment Tianjin a subi le monde au dix-neuvième siècle (Tien-Tsin pour les philatélistes). Puis, un documentaire évoque comment Sarah Petronio et sa sœur dansant des claquettes illustre la mondialisation depuis la banlieue parisienne. Enfin, demain jeudi, est annoncé un débat sur les liens entre la mondialisation et le commerce.

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