mardi 20 août 2024

L'Hôtel des postes de Montpellier pendant l'Occupation (1942-1944)

 Dans le sud de la France à une quinzaine de kilomètres de la mer Méditerranée, Montpellier se situe dans la Zone libre définit par l'armistice avec l'Allemagne nazie du vingt-deux juin 1940. La préfecture de l'Hérault est donc gouvernée par l'État français du maréchal Philippe Pétain, installé à Vichy.

Cependant, le huit juin 1942, les troupes alliées débarquent dans les départements d'Algérie et le protectorat français du Maroc. Le onze - jour de l'armistice de la Première Guerre mondiale, les troupes françaises au Maroc, fidèles au régime de Vichy, se rendent aux Alliés.

Dès la veille au soir, l'état-major allemand lance l'invasion de la Zone libre, la neutralité des troupes et de la Marine française n'étant plus jugées fiables. Peu de combats... mais, obéissant aux ordres de 1940 de l'amiral Darlan confirmés par une ultime possibilité du contre-amiral Auphan en 1942, la flotte se saborde dans la rade de Toulon le vingt-six pour ne pas tomber aux mains ennemies.


Concernant la Libération de Montpellier, et par ricochets son occupation et les actes de la Milice, les Archives municipales ont préparé une page spéciale composée d'archives textuelles et iconographiques sur les événements de l'été 1944, des bombardements états-uniens à partir du cinq juillet sur les infrastructures ferroviaires, avec ceux précédents dans ports et entrepôts de Sète et Frontignan liés au Débarquement en Normandie le six juin, jusqu'à l'arrivée de l'Armée française commandée par le général de Lattre de Tassigny le deux septembre.

Le premier bombardement le cinq juillet marque la population. La cible de fumée laissée au premier passage aérien se décale vers le nord à cause du vent ; les bombardiers de l'US Air Force volent haut. Selon le pointage des impacts, si la gare industrielle des Arènes est bien endommagée, les capacités de déplacement et de ravitaillement ennemis avec, ce sont aussi les espaces agricoles et urbains alentours qui sont touchés. Le quartier de la Cité Mion par exemple ; les secours doivent prendre garde aux bombes à retardement ou aux cargos de munitions en feu.

Montpellier est désormais un théâtre de la grande guerre mondiale.


Au fil de juillet et de début août, les alertes anti-aériennes sont déclenchées régulièrement. Les habitants se réfugient avec calme dans les abris, espérant que ne soient touchées que les cibles stratégiques : la gare de marchandises, la Citadelle Joffre occupée, la Caserne de Lauwe où se trouve la Milice.

Ainsi que le pont ferroviaire de Pavie entre Montpellier et Castelnau-le-Lez le dix-sept août pour empêcher les troupes allemandes de rallier le site du Débarquement en Provence. Ce sera un échec coûteux en vies civiles, et ainsi, le pont est finalement détruit lors d'un bombardement après la « Libération » de la ville par les résistants car des troupes allemandes tentent encore de fuir le Languedoc via le chemin de fer littoral.


Beaucoup d'alertes générales et d'appels à se rendre aux abris donc.

Où se trouvait le dispositif sonore ?

L'article des Archives municipales de Montpellier l'indique lors du départ précipité des troupes allemandes de Montpellier, les samedi dix-neuf et dimanche vingt août 1944.

Peu avant midi, ce vingt août, la Défense passive apprend que l'armée allemande va faire sauter une partie de l'Hôtel des postes, téléphone et télégraphes, lieu stratégique comprenant donc le standard téléphonique et télégraphique. Le bâtiment est situé en plein cœur de l'Écusson, le centre médiéval modernisé sous le maire haussmannien Pagézy, justement à côté de la Préfecture représentant l'État dans le département.

Les dégâts à l'Hôtel des postes et téléphone de Montpellier, photographie publiée dans La Libération de Montpellier (conservée aux Archives de Montpellier, 5BIB283)

À 19h14, des explosions détruisent les équipements stratégiquement de télécommunications, ainsi que les haut-parleurs de l'alerte anti-aérienne et les équipements au sous-sol d'où ils étaient activés.

Des explosions « contrôlées » ont aussi lieu à la Citadelle (munitions et armements) et à l'aérodrome de Fréjorgues entre Pérols et Mauguio. Ceci s'ajoutant aux mitraillages des convois militaires allemands sur la route de Nîmes par l'aviation américaine.

À partir de ce dimanche soir, les habitants n'ont plus de système d'alerte. Le quotidien L'Éclair avertir, le lendemain, ses lecteurs de fuir aux abris au moindre bruit d'avion.


Néanmoins, face au départ allemand, une partie de la population commence des parades patriotiques et armées alors que des troupes allemandes traversent encore la ville sur l'axe route de Béziers/avenue de Toulouse - place de la Comédie - route de Nîmes... Un habitant est sommairement abattu pour distribution de prospectus de résistance au passage de soldats motorisés ennemis.

La place de la Comédie, à Montpellier, début du vingtième siècle.
En rouge, la route de Toulouse (droite) à Nîmes (gauche) avec l'Esplanade où se campait une troupe allemande le lundi vingt-et-un août 1944. En bleu, la foule tenant une milicienne se dirige de la gauche vers la droite, rue Boussairolles derrière les cafés (carte postale reproduite dans Midi libre).
Le théâtre de la Comédie est dos au photographe.

Ce lundi soir-là, une troupe allemande s'est installée sur l'Esplanade en bordure nord de la Comédie ; des Montpelliérains en colère transportent une milicienne de l'Écusson vers le commissariat rue Boussairolles en croisant la Comédie. Par crainte (voir carte postale légendée ci-dessus), les soldats tirent sur la foule faisant deux morts et trois blessés ; des négociations parviennent à les calmer et à instaurer un semblant de couvre-feu... en tout cas d'appel à la prudence côté civils.



Une des cloches de la cathédrale de Montpellier et le clocher de Sainte-Anne, photographiés par Jean Guizonnier en 1944 (Archives municipales de Montpellier, 11 S 3). Résistant montpelliérain, capitaine des sapeurs-pompiers, directeur de la Défense passive et Travaux publics municipaux pendant la guerre, il est martyrisé et tué par la Milice mi-août 1944.*

Dans les jours qui suivent, la situation politique se clarifie : le mardi vingt-deux, les représentants du Gouvernement provisoire et des maquis Léon et de Vailhauquès arrivent dans la ville, et ils encadrent les patriotes.

Militairement, cela reste compliqué : des troupes ennemies éparses avec des chars circulent encore vers la vallée du Rhône. La rumeur évoque le retour des troupes précédentes, empêchées d'atteindre Nîmes par les bombardements alliés...

Le jeudi vingt-quatre, vers 17h25, c'est la stupeur, les cloches des églises, interdites de résonner par l'occupant allemand, annoncent le passage de bombardiers alliés ciblant et détruisant cette fois-ci le pont de Pavie, limitrophe avec Castelnau. Sans victime.


Ce même jeudi, une colonne allemande arrive de l'Aveyron pour rallier la vallée du Rhône et les combats. Après l'échec meurtrier de pourparlers au lieu-dit Bel-Air sur le sort de la ville, le bombardement des axes de retraite par les bombardiers alertés, et la mise en défense de Montpellier dès le village de Celleneuve, le commandant allemand décide d'éviter la ville en passant par le nord, notamment Montferrier où six ouvriers à vélo sont humiliés puis exécutés.

Dans la nuit, les Forces françaises libres des maquis locaux organisent une position dans ce village perché dominant la plaine du fleuve Lez que doit traverser ces troupes.

La bataille fait six morts français malgré des combats qui ont requis des renforts montpelliérains avec artillerie dans l'après-midi du vendredi, mais l'arrière-garde allemande est détruite : des dizaines de soldats s'éparpillent et seront capturés entre le Lez et Sommières dans les jours suivants.


Le dimanche vingt-sept est enfin le soulagement militaire : les troupes du Maquis Bir-Hakeim arrivent en nombre à Montpellier par l'ouest. Le lundi, c'est définitif : par la route de Nîmes, les troupes de l'Armée française libre en provenance de Provence sont là !

Le lendemain, Emmanuel d’Astier de la Vigerie, commissaire à l’Intérieur du Gouvernement provisoire de la République française, installe officiellement Jacques Bounin, nouveau Commissaire de la République à la Préfecture, en face de l'Hôtel des postes à reconstruire. Bounin peut désormais établir une justice pour les criminels de la collaboration et de l'occupation, après les vengeances des premiers jours sur les miliciens.

Timbre du centenaire de la naissance du Maréchal de France de Lattre de Tassigny, émis en 1989 (via Phil-Ouest.com).

Enfin, le général de Lattre de Tassigny arrive le samedi deux septembre en fin d'après-midi avec défilés, saluts aux combattants de natures diverses et cérémonie au monument aux morts (actualités cinématographiques sur le site de l'Institut national de l'audiovisuel). Il revient dans Montpellier libérée qu'il avait commandée de janvier à son entrée en résistance en novembre 1942.


Note :

* : le choix de la photographie de Jean Guizonnier illustrant son martyre et le rôle des cloches d'église après la destruction de l'Hôtel des postes est un choix de l'auteur-archiviste municipal de Montpellier, que je paraphrase ici.

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