mercredi 3 janvier 2024

Tristes 400 ans de la poste danoise

 Le vingt-quatre décembre 1624, Christian IV, roi du Danemark, établit des maîtres de poste dont un devait passer deux heures par jour à la bourse de Copenhague pour relever les courriers. Comme les autres postes européennes, ce fut le début d'une longue évolution : création de routes postales, réforme postale avec le timbre-poste, code postal, industrialisation et... arrivée de l'informatique.

Première émission commémorative de 2024 : les quatre cents de la poste au Danemark pour l'exposition Hafnia (émission du deux janvier 2024, via la boutique web de PostNord).

Celle-ci a, à la fois, accéléré le traitement du courrier et des colis, mais aussi provoqué un important déclin de la correspondance imprimée (les factures, les bulletins scolaire - hélas, pas la publicité non demandée) et écrite entre particuliers.

Au sein du Marché unique de l'Union européenne, l'ouverture à la concurrence de la petite logistique a néanmoins été accompagné du droit des États à protéger les consommateurs par un service postal universel... sans empêcher le capitalisme des anciens monopoles historiques : les États danois et suédois ont fusionné leur poste en un groupe PostNord en 2009.

Ce lundi premier janvier 2024, le service universel intérieur a quasiment disparu au Danemark suite à une loi votée en 2023, comme l'expliquent le mode d'emploi des timbres-poste de PostNord danois et un article de Post & Parcel du premier décembre dernier.

Entre les lignes, le gouvernement danois a eu en avoir assez de compenser le déficit de la poste aux lettres depuis 2020, à hauteur d'environ cent cinquante millions de couronnes danoises en 2023, soit environ un peu plus de vingt millions d'euros.

Aux expéditeurs désormais d'assumer le coût avec deux changements au premier janvier 2024 : une augmentation traditionnelle des tarifs et la taxe sur la valeur ajoutée frappe désormais le courrier intérieur qui doit l'indiquer !

Les deux nouvelles valeurs courantes à faciale et d'usage, le timbre rouge étant affecté d'une TVA à reverser à l'État danois (communiqué de presse de PostNord).

En 2023, une lettre intérieure coûtait 12 DKK jusqu'à cinquante grammes et 24 DKK jusqu'à cent grammes, TVA incluse. Depuis lundi, elle coûte 25 DKK TVA incluse avec obligation d'utiliser un timbre portant la mention "INDLAND" (intérieur) donc que sa vente produira une taxe retournant au Trésor danois. Environ 3,35 euro donc.

En 2023, une lettre internationale coûtait 36 DKK jusqu'à cent grammes, désormais c'est 50 DKK toujours sans TVA et doit être affranchie avec un timbre mentionnant "UDLAND" (étranger). Environ 7,70 euros.

Le prix proportionnel est de vigueur : deux timbres affranchissent de cent à deux cents cinquante grammes, trois timbres de deux cents cinquante à deux kilogrammes en respectant des limites standardisées d'enveloppes ou de colis très plats.

Note de curiosité : la "Quickbreve" ou lettre prioritaire intérieure existe toujours pour dix couronnes de plus au premier échelon intérieur, mais ne peut être reçue que dans un bureau de poste (si Google Traduction est de confiance).

Une seule valeur de complément : les anciens usage courant restent valables un an.

Le souci est donc que, depuis le premier janvier, tous les timbre-poste précédant perdent subitement leur pouvoir d'affranchir le courrier intérieur ! Sur-le-champ !

Malgré un dialogue entre l'opérateur postal, le ministère du Transport et l'Autorité de régulation, ces derniers sont restés inflexibles : désormais, tout affranchissement intérieur doit prouver qu'il a payé la taxe sur la valeur ajoutée, donc à l'achat de l'affranchissement : "INDLAND" ! Et tout envoi international ne doit pas être grevé d'une TVA, tout son affranchissement doit appartenir à l'opérateur postal pour son travail...

Apparemment, les autorités danoises n'ont pas voulu ou pu considérer une alternative existant dans les pays ayant imposé la TVA sur le courrier et les colis : tout timbre émis avant la taxation explicite doit être complété de la taxe en déposant l'objet en bureau de poste (Australie et Suède sont citées sur un fil du forum StampBoards).

Libéralisation du marché postal et comptabilité nationale (« Téma la taille du rat ! »).


Les timbres émis avant le trente-et-un décembre 2023 ne peuvent servir que sur le courrier pour l'étranger et seulement jusqu'au trente-et-un décembre 2024, rapporte l'éditeur philatélique allemand PhilaPress, le treize décembre dernier.

PhilaPress précise également que la libéralisation quasi-totale de la loi de 2023 entraîne la limitation de nombreux service par PostNord Danmark pour faire face à la concurrence et limiter les coûts sur ce service en déficit : démontage de nombreuses boîtes aux lettres de rues, diminution du nombre de boîtes postales, mise en concurrence totale de la distribution des abonnements de journaux et magazines, etc.

Une révolution : le type héraldique de 1946 disparaîtra donc dans un an (boutique web de PostNord Danmark).

Philatéliquement, la dernière révolution est la suspension de la continuité du type Petites armoiries nationales en usage depuis 1946. Ses valeurs en carnet de dix allant de deux à cinquante couronnes aideront les Danois à faire l'appoint des affranchissements pour l'étranger en 2024.

Le nouveau type de 2024 reprend les vagues et les cœurs, éléments traditionnels du type Ligne ondulée de 1905, et qui lui aussi a servi sans discontinué.

Enfin, l'exposition européenne Hafnia 2024 aura lieu du dix-sept au vingt octobre 2024 à Copenhague. Les timbres de son bloc ont une valeur faciale de vingt-cinq couronnes et la mention "INDLAND".


Note : la Suède, co-actionnaire de PostNord, n'est pas concernée puisqu'il s'agit d'une loi danoise. Les postes des îles Féroé et du Groenland sont indépendantes, même si une partie des coûts à venir pour leurs clients proviendront du passage par le système postal danois.


Compléments du vendredi huit mars 2024 : premier pas vers la post-philatélie ?

Une fois n'est pas coutume, The London Philatelist daté mars 2024 publie un article approfondi sur de la philatélie actuelle liée aux conséquences de la fin du service universel postal intérieur au Danemark.

Chirs King, ancien président de la Société philatélique royale de Londres et spécialiste classique du Schleswig, propose un article jumelé avec le numéro de janvier 2024 de The Posthorn du Scandinavian Collectors Club.


Parmi les nombreux informations et détails en plus de mon mini-article amateur, King signale qu'à cause de la taxe sur la valeur ajoutée frappant désormais le courrier intérieur font que les timbres Indland ne sont plus légalement des timbres-poste (Frimærker), mais des étiquettes postales (Postmærker) !

En effet, le droit fiscal danois exempte les timbres-poste de la TVA. Et d'illustrer le fait par un humoriste danois : le nouveau timbre rouge légendé en français dans le texte « Ceci n'est pas un timbre ».


Pour montrer que les expéditeurs danois - et les guichets postaux ! - pouvaient déjà ignorer les timbres-poste, il rappelle l'existence d'affranchissement numérisé : des codes alphanumériques imprimables ou recopiables dont il montre un exemple de décembre 2023. Sous le carré de quatre signes sur quatre manuscrits, une marque en danois indique « Porto kontrolleret »...

... lettre que la Royal Mail britannique a taxé comme non affranchie : cinq livres sterling pour le destinataire !

Le timbre international par sms ou code obtenu sur internet a encore du chemin à faire.


Finalement, les fameuses grandes étiquettes de colis en recommandé comprenant expéditeur, destinataire, déclaration douanière semblent le moyen le plus fiable de l'envoi vers l'étranger... au détriment de l'environnement (papier, adhésif).

Et de conclure si la politique danoise de fin du service universel du courrier au Danemark n'ouvre pas la porte à tous les opérateurs postaux et la fin de la philatélie postalement utilisée.


Et cette conclusion philatélique est immédiatement bouleversante. Un important marchand de timbres danois (Fyns Frimærker Service) détient deux cent mille couronnes danoises de timbres uniquement pour les envois à ses clients ! À date de l'article de King, vers le onze janvier, le syndicat des marchands philatéliques danois est entré en négociation avec Post Danmark sur ce problème.

On n'est loin de la perte de valeur au catalogue des collections de passionnés.

Mais, l'occasion faisant le larron : l'entreprise Bladkompagniet S/A distribue des milliers de journaux et magazines chaque nuit dans tout le pays. Pour vingt couronnes, elle proposerait la délivrance de lettres intérieures en une nuit, sept jours sur sept, contre vingt-cinq pour la poste qui, elle, a perdu ses subventions et dont le modèle est de plus en plus centré sur les colis.

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