lundi 10 mars 2025

"Brûle, esclavagiste, brûle" : Marie Joseph Angélique (~1710-1734)

 Si les grands ports français et les planteurs des colonies ont profité de la traite d'esclaves africains, Postes Canada a rappelé par un timbre-poste, émis le trente-et-un janvier 2025, l'existence de quelques milliers d'esclaves noirs et amérindiens en Nouvelle-France, pendant l'époque moderne.

La couverture du carnet de l'émission Marie Joseph Angélique, émis par Postes Canada, pour le Mois de l'histoire des Noirs 2025. 

Chaque mois de février, aux États-Unis en 1976 et au Canada depuis 1995, la place et le rôle de la diaspora africaine dans les sociétés nord-américaines fait l'objet d'un « Mois de l'histoire des Noirs » (Black History Month).

Le trente-et-un janvier dernier, Postes Canada choisit ce qui aurait pu rester un fait divers pour l'époque : une esclave de maître français condamnée à mort pour sa rébellion et son projet de fuite vers la Nouvelle-Angleterre... sauf que ce fait a eu lieu lors de l'important incendie détruisant l'Hôtel-Dieu (à peine reconstruit) et une quarantaine de bâtiments de Montréal, en 1734.

L'illustration côté face de l'enveloppe premier jour localise les effets de l'incendie dans le Montréal du début du dix-huitième siècle.

L'esclave se nomme Marie Joseph Angélique, née à Madère vers 1710, achetée par un important marchand d'esclaves new-yorkais. Achetée par un couple de Français, elle est baptisée à Montréal en 1730 ; elle a eu avec un autre esclave trois enfants tous morts en bas âge .

En 1734, l'esclave apparemment assez libre de ton demande à sa maîtresse, veuve de François Poulin de Francheville, exploitant du minerai de fer et créateur des premières forges de la région, de pouvoir quitter son service pour la Nouvelle-Angleterre anglaise avec son amoureux Claude Thibault.

Face au refus de sa maîtresse et la crainte d'être vendue, le procès aboutit à la conclusion que Marie Joseph Angélique aurait mis le feu à la maison, qui, sous l'effet d'un fort vent et des construction en bois, a conduit à la destruction du quartier et de ses commerces. La rumeur faisant le reste, les Montréalais réclament la punition la plus meurtrière de l'esclave.

La défense de Marie Joseph Angélique reproduite à l'intérieur du carnet de six timbres.

Malgré sa défense : « Madame, quoyque je sois mechante, je ne suis pas assez malheureuse pour faire une action comme cella. », que le seul témoin oculaire soit un enfant de quatre ans, qu'elle a sauvé des biens de sa maîtresse et n'a pas tenté de fuir Montréal, son cas est submergé par des accusations par ouï-dire.

Les archives judiciaires montrent la cruauté des procès de l'Ancien Régime, qui rappelleront ce que subit Jean Callas en 1762 : multiples séances de torture, menées par le bourreau, un esclave de Martinique condamné à mort pour ses tentatives de fuites et qui y échappa à la condition de servir le gouverneur de Nouvelle-France dans cette tâche que les bons colons français ne voulaient pas réaliser...

Marie Joseph Angélique est finalement pendue, son corps brûlé, les cendres dispersées.

Connue auparavant en raison de l'impact de ce procès au début de l'époque des Lumières en Métropole, c'est depuis la publication d'un ouvrage de recherches en 2006 par l'historienne Afua Cooper, docteure en histoire des Afro-Canadiens, que le cas de Marie Joseph Angélique incarne au Québec et au Canada la cruauté de l'esclavage aux Amériques, montre l'existence des actes de résistance - vains mais existants -, et leur mémoire.


Les collectionneurs de timbres regretteront que Postes Canada force à dépenser six timbres pour le carnet ou une enveloppe premier jour... ou de se tourner vers d'autres collectionneurs ou vendeurs de timbres pour disposer d'un seul timbre neuf.

Le timbre "P" vaut 1,24 dollar canadien en carnet ; 1,44 dollar à l'unité. Il permet l'envoi d'une lettre standardisée ou d'une carte postale intérieure de moins de trente grammes.

Néanmoins, je juge immense la qualité du choix des illustrations du premier jour, de la couverture et de l'arrière-plan de l'intérieur du carnet.

Les participants à la création sont indiqués en bas du bloc de timbres autocollants du carnet :

- la comédienne et mannequin Penande Estime prête ses traits à l'héroïne de l'émission (et qui présente la séance photo sur son compte Instagram, le vingt-quatre février dernier) ;

- traits fixés par le réalisateur, scénariste et photographe Jorge Camarotti ;

- l'illustratrice Alexis Eke a conçu l'image du timbre, placée dans un design sous la direction de Nathalie Cusson de Scooter Design ;

- et produit par l'imprimeur de sécurité Colour Innovations.

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