Pendant mon séjour à Paris en juillet 2025, j'ai enfin pu découvrir la Librairie Le Phénix, 72 boulevard de Sébastopol, dans le troisième arrondissement de Paris, spécialisée dans les cultures d'Asie de l'Est principalement, mais aussi du Sud-Est, de l'intérieur (Mongolie, Tibet), et quelques aspects en Inde.
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| Couverture de l'édition coréenne du roman évoqué : une scène urbaine de graffitis qui peut illustrer un moment libérateur pour le héros lycéen. |
En mode exploration des étagères coréennes, j'ai pu revenir avec des manuels de présentation de la Corée du Sud et de sa culture, quelques bandes dessinées et romans traduits en français dont Encouragez donc les garçons ! de Eun Hee-Kyung de 2010, publié en français par L'Atelier des Cahiers Éditeur en 2022.
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| La couverture (brutale) de la traduction française de 2022, avec une traduction alternative du titre : approximativement « Console le garçon / Réconfortez les garçons » (소년을 위로해줘). |
Dans ce récit à la première personne, l'écrivaine met en scène Kang Yeonu, surnommé « L'Indifférent » par son nouvel ami Dokgo Taesu, au moment de son adolescence où il va changer à la fois progressivement et par à-coups alors que rien ne paraît changer dans le cadre imposé par sa mère a-maternelle.
Élevé par une mère divorcée à la fois égoïste et colocataire de son fils, et le petit ami du moment de celle-ci, Yeonu déménage une nouvelle fois et sait déjà qu'il va s'enregistrer pour être dirigé vers un nouveau lycée, dans lequel son physique et ses piètres résultats vont le mettre à la marge des groupes sociaux distingués comme harceleurs du quartier.
Bref, il est comme le duo de chats de l'appartement : sa mère les a voulus, mais elle regrette de devoir les faire souffrir en les gardant... Guère réjouissant.
Seulement, il fait la rencontre de l'impulsif Taesu et de sa sérieuse sœur, revenus d'une année aux États-Unis avec leurs parents, et de la craintive Chaeyeong par le hasard du déménagement. Le premier lui fait écouter - et Yeonu s'identifie rapidement - les paroles du rappeur lycéen inconnu et amateur G-Griffin (griffon...), et ne sait que faire des sentiments nouveaux que semblent montrer les deux lycéennes.
Dans sa nouvelle chambre, dont Chaeyeong semble connaître l'emplacement de la fenêtre avant même leur rencontre, Yeonu découvre qu'il place ses meubles stéréotypés exactement aux mêmes endroits que l'occupant précédent, que celui-ci a petit à petit dessiné des ailes déployées sur le mur dans l'axe du miroir... trop hautes pour le narrateur, mais inspirante.
Et, à la première venue du facteur, Yeonu découvre, oublié par la famille, une carte postale de Chaeyeong envoyée à ce Min Gihun, l'auteur de la fresque ailée. Une carte achetée au musée Franz Kafka et expédiée de Prague par Chaeyeong, sur laquelle l'écrivain, regard gêné, est photographiée à la plage avec une amie.
Chaeyeong, personnage mystérieux, mais attachant, ce qui s'accorde bien avec l'attitude mutique et prudente de Yeonu : elle lui fait cadeau de la carte qu'il parvient à lui rendre, elle l'introduit au bar à puzzle du quartier, elle lui offre un pendentif orné d'un griffon identique au sien quand leurs sentiments s'accordent...
L'intrigue adolescente paraît simple, mais non : d'abord ces adolescents et la mère détonnent dans la société coréenne de compétition par le comportement social attendu, les résultats ou la force brute.
Le fait de vivre de nouvelles expériences avec ces trois camarades entraîne des péripéties inattendues pour le héros et une frustration montante et surprenante en lui malgré la découverte qu'il aime lire (un roman de Kafka que sa mère récupère dans les livres de son ex-mari qu'elle n'a jamais jetés) et la formation à la course à pied reçu par le petit ami de sa mère, qui semble avoir plus de parentalité en lui.
Le premier tiers du roman pose Yeonu dans ses habitudes de suivre sa mère dans sa manière de vivre, avec les premiers intérêts pour ces trois nouveaux ami.e.s. Le deuxième tiers semble faire mûrir le héros au rythme des aléas adolescents (la passion pour les chansons du rappeur, un enseignant méchant et donc la peur de celle des parents face aux punitions, le passé non-dit des trois autres, la déception non dissimulée d'une des filles, l'accomplissement par la course à pied,...).
Au troisième tiers, brusquement, Yeonu prend conscience qu'il a depuis son emménagement une collection d'objets sous ses yeux, en main, qu'il utilise même, mais qui ne le mène en fait pas vers la découverte de lui-même. La carte postale est incluse dans cette révélation vue le titre de ce blog.
Là, l'éditeur français peut justifier sa couverture, et l'autrice son titre : qui va venir consoler ce garçon de cette découverte pour qu'il la dépasse, confronte la situation de manière réfléchie. Ses amis, ils sont juges, parties, et eux-mêmes dépassés. Le petit ami, faux beau-père, il a déjà bien encouragé et ce n'est pas son rôle. La mère est-elle si distante de ses devoirs parentaux ?
...
Je ne sais pas : il me reste cinq chapitres, l'épilogue et relire le chapitre introductif pour savoir si et comment Yeonu va devenir un jeune adulte libre.
En attendant, encore un auteur de fiction qui place la correspondance écrite et postale en bonne place de la construction de ses personnages.


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