La peur du tout-numérique, celle du fichage général de la population animent les débats sur l'avenir de la monnaie. Les monnaies fondées sur les chaînes de bloc et indépendantes du système habituel sont vénérées de certains, alors que les mêmes se méfient grandement quand certaines Banques centrales envisagent des jumeaux numériques de leur monnaie.
Ici, deux façons d'envisager la monnaie dans la science-fiction.
En 2012, le groupe Walt Disney achète Lucasfilm, une des compagnies créées au cours de sa carrière par le réalisateur Georges Lucas. Cela inclut la propriété de l'univers de Star Wars - La Guerre des étoiles, qui anime de nombreux fans depuis le premier film de la saga de space opera, sorti en 1977.
En 2014, la nouvelle direction annonce que seuls les deux trilogies cinématographiques de Lucas, les films et séries d'animation font partie du canon de la série, excluant tous les autres produits dont de nombreux romans. Le public craint comment l'univers des jedis va devenir une vache à lait à produits formatés pour un public de masse, sans aspérité, ni réflexion...
Et, surprise, arrivèrent le film Rogue One en 2016 et la série Andor en septembre 2022. Deux œuvres dont les spectateurs de la première trilogie connaissent déjà la fin depuis quarante ans... mais pas dans le détail comment une unité de rebelles parvint à s'emparer des plans de la destructrice Étoile noire au sacrifice de leur vie.
Les deux ont montré des aspects pas-grand-public, pas lisse du tout : film de guerre sans espoir pour le premier, critique du capitalisme productiviste pour l'autre. Andor répond à la question de la production industrielle, du contrôle de l'immense main d'œuvre nécessaire à l'économie de la République, puis de l'Empire, et des inégalités qu'elles sous-entendent, mais que la quête mystique de Luke Skywalker évoquait bien peu.
Des crédits métalliques bien cachés pour vivre heureux (capture d'écran du septième épisode de Andor). |
Sur la planète Ferrix, à l'économie consacrée au recyclage des anciens vaisseaux spatiaux, assez isolée du coup d'État impérial, le cynique Cassian Andor use de toutes les ficelles du commerce illicite pour retrouver sa sœur et, avec la vieille femme qui l'a sauvé enfant, partir vers une planète touristique.
D'une certaine manière, il y parvient au septième épisode, ayant accumulé beaucoup de crédits, la monnaie de cet univers. Au besoin, il sort de sa mallette des rectangles métalliques de couleur rappelant l'or, l'argent et le bronze.
Des soldats empilant des rouleaux de crédits dans un vaisseau-cargo (capture d'écran du sixième épisode de Andor). |
Étrangeté de Star Wars : des vaisseaux capables de calculer une trajectoire sûre pour voyager plus vite que la lumière, des droïdes à la pensée assez autonome, mais une monnaie métallique toujours nécessaire - et, même, dans la série, des centaines de techniciens vérifiant tableau par tableau que les produits chimiques des usines galactiques sont au norme.
Si une des héroïnes doit dissimuler ses prêts bancaires par des artifices de comptabilité abstraite, la population se repose sur des pièces de monnaie sonnantes et trébuchantes. L'informatique automatisée n'existe pas dans cet univers.
Le nouvel Empire, issu du coup d'État, le sait et, pour contrôler cette immense population, va proposer de venir convertir en nouveaux crédits impériaux garantis leurs monnaies locales... tout en obtenant ainsi une identification...
Un principe très anglo-saxon que cette peur de la carte nationale d'identité. En effet, la grande majorité des Britanniques et des États-Uniens abhorrent l'idée d'une telle chose qui supposerait que l'État dispose donc d'une liste complète des habitants du pays, et par recoupement pas impossible, d'un accès à leur compte en banque, consommation, actions diverses et variées.
D'où, dans le sixième épisode, un vaisseau-cargo remplit à bouts de bras de soldats de rouleaux de milliers de crédits.
Extrait du sixième tome d'Universal War One de Denis Bajram, publié en 2006. |
Comment retranscrire ce besoin de contrôler les masses par la monnaie dans une œuvre plus française, où la carte d'identité est un outil commun ?
En 2006, l'auteur et dessinateur Denis Bajram a clos son sixième et dernier tome d'Universal War One - projet de trois hexalogie encore en cours.
En 2050, l'Organisation des nations unies est le gouvernement de la Terre, des cités lunaires et de Mars en cours de terraformation, tandis qu'elle plaçait en concession pour cinquante ans l'exploitation des autres planètes et satellites aux principales corporations terrestres.
À l'approche de la fin de leurs concessions, les Compagnies industrielles de colonisation semblent réticentes face à une ONU bien décidée à reprendre le contrôle du système. C'est alors, qu'en 2098 - début de l'intrigue, un immense cercle noir apparaît entre l'orbite d'Uranus et celle de Saturne, visible depuis la Terre qui envoie une de ses flottes de combat.
Au sixième tome, suite à de nombreuses péripéties militaro-scientifiques, l'intrigue a avancé sur Mars en 2138 : l'humanité est désormais sous un contrôle totalitaire qu'un personnage explique à une des héroïnes dans les cases proposées ci-dessus.
Les empreintes digitales et rétiniennes, toutes inscrites dans les bases de données, sont le seul moyen d'être payé, de payer, de circuler; etc. Pas de monnaie-objet, pas de circulation monétaire... pas de moyen pour une résistance de s'équiper sans que le pouvoir ne le sache.
Le doigt et l'œil sont marqués par la Bête, écrit Bajram, comme l'annonçait saint Jean dans L'Apocalypse : « Et la Bête fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçussent une marque sur leur main droite ou sur leur front et que personne ne pût acheter, ni vendre sans voir la marque de la Bête, le nom de la Bête ou le nombre de son nom ».
Monnaie électronique, monnaie-blockchain, privée ou liée à une banque centrale,... retour aux pièces et billets comme dans certains pays d'Europe du Nord au voisin bien inquiétant...
Le débat sur monnaie, liberté et sécurité n'est pas terminé.
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